PHIL DEREST, Solo panthère (La bande tachetée records)

phil derest solo panthèreRock sous perfusion blues.

On le sait, toute la musique que j’aime, elle vient de là, elle vient du blues. Pourtant, loin de s’approcher d’une certaine idole des jeunes, aujourd’hui disparue faut-il le rappeler, Phil Derest ressemblerait plus à un mariage réussi entre le blues de Paul Personne, l’univers poétique d’un Thiéfaine, avec une classe à la Bashung. Son album Solo Panthère s’impose donc sans forcer.

En effet, dès les premiers accords de Voleur de ciel, nous savons que nous allons naviguer sur des titres fortement influencés de blues, de rock, sans pour autant la jouer à l’anglaise, c’est-à-dire en basant tout sur des paroles creuses mais qui sonnent. Car ici, les paroles, en français, ne sont effectivement ni creuses ni ne reposent sur des rimes faibles. Si un soin particulier est apporté aux instrumentations, un autre est apporté aux textes, faisant que ce disque ne souffre d’aucune faiblesse.

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Rythme et bleus à l’âme.

Dès l’entame de voleur de ciel, le ton est donné. Il se caractérise par un choix assez caractéristique « chanson », c’est-à-dire que la production reste sobre, joue avec pas mal de malice avec les instruments acoustiques (dobros, harmonica, guitare folk). Pourtant, l’électricité n’est jamais délaissée, mais elle reste contenue, un peu blanche, n’écrase pas la voix ou les instruments acoustiques, notamment en se plaçant en très léger retrait de la voix. Enfin, tout cela est vrai d’une façon générale, car des éclairs de clavier ou un bon riff de guitare électrique ne sont jamais boudés. Un titre comme Perdu dans ta jungle étant par exemple un parfait exemple purement rock, purement anglo-saxon dans l’âme et sa musique.

Il en résulte donc un son à la française, pour une musique s’approchant d’une esthétique très nord-américaine. Nous le disions, le blues est présent, le rythm and blues à la Rolling Stones également (l’entame d’Au bord des routes nous fait fortement penser au gang de Mick Jagger), tout comme l’aspect plus simplement rock de l’ensemble. Un groove bien senti se fait entendre sur chaque titre, même les plus lents. En résulte une énergie impossible à contenir, une irrépressible envie de bouger et de profiter de cette musique sans prétention autre que de nous offrir un maximum de belles sensations.

Des paroles au cordeau.

Pourtant, les paroles ne sont pas forcément optimistes. Elles dressent un constat un peu plombé , parfois légèrement oppressant, que vient toujours contrebalancer la musique (qui elle évite tout piège de pessimisme, comme un garde-fou qui nous empêcherait de sombrer corps et biens). Le choix des mots est très orienté, lui aussi, vers un fantasme états-unien. On y parle d’embrasser un cow-boy (rien à voir avec le J’ai embrassé un flic de Renaud, on vous rassure de suite), de Cadillac, de Staten Island, des références qui ne masquent pas la poésie de Phil Derest.

Celle-ci le rapproche parfois d’un crooner un peu au bout de sa vie, désabusé, fatigué par la vie, mais toujours porté par le feu sacré de la vraie bonne musique (celle qui vient de là, qui vient du blues). Comme les bluesmans, Derest nous esquisse des paysages à la fois proche du bitume et proche des nuages, comme si la gravité de l’existence se mêlait à la légèreté de l’âme de celui qui a compris que la vie, c’est autre chose que des bonheurs purement matérialistes.

Ainsi, Phil Derest nous dresse un portrait en filigrane d’hommes, de vies, qui, malgré tout, continuent d’avancer, même si tout semble s’écrouler autour d’eux.

phil derest

crédit phot Bérénice Fléchard

Plein de vie.

Ce disque bénéficie d’une tracklist soigneusement étudiée qui évite les pièges de la répétition. Ainsi, des titres plus « lourds » (Les grandes dames, Vers le trottoir) côtoient des mélodies plus légères et entrainantes (respectivement Solo Panthère, Comme un jeune chien), donnant une dynamique pleine au disque. Aucun temps mort ne s’installe, mais un véritable flot de vie nous guide tout au long des 11 titres qui composent Solo Panthère.

Enfin, un petit point qui a son importance, Phil Derest possède dans sa voix les spectres issus de mille vies vécues. Elle s’avère expressive, nuancée, douce mais aussi marqué par l’existence, et elle devrait, à peu de chose, ressembler à celle d’un phénix qui a ressuscité à plusieurs reprises. Cet élément complète cette fameuse âme, pure, de celle de ce rockeur poète du concret qui signe là un album abouti et maîtrisé.

LE titre de Solo Panthère.

Nous avons une grosse tendresse pour Quelques primevères. Pourtant, ce titre est peut-être l’un des plus « chanson » de l’album (et vous savez que la chanson nous émeut peu). Mais ici, la ligne de chant, le choix des mots, les instrumentations nous conduisent dans un univers totalement magique. Peut-être qu’il s’agit du texte le plus proche de l’auteur, en tout cas nous y sentons une forme de connexion très forte entre une sincérité nue et une poésie cryptique, qui impose les impressions plutôt qu’elle ne délivre un message.

Pour nous, ce titre est le chef-d’oeuvre de cet album. Ni plus ni moins. Et ce même s’il y a du niveau de bout en bout du disque.

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