OPINION, Molly, résurgence 90’s lo-fi indé US
Album déjà disponible chez Flippin’Freaks.
Nous, on aime les gars qui font leur truc en s’en battant royalement les couilles d’être à la mode ou pas. Et quand ceux-ci se démerdent tout seuls, ou presque, pour proposer un album plein de cohérence, de couleurs passées chatoyantes et de sonorités qui fleurent bon le bon DIY, alors on signe carrément le papier. Molly, par Opinion, rempli toutes les bonnes cases de notre formulaire d’admission pour une chronique, faite maison elle aussi.
Bon, les gens de Flippin’Freaks sont plutôt sympas, mais ils auraient toutes les bonnes raisons de nous mettre de violents coups de baguette sur les doigts. Parce que cet album, nous l’avons reçu il y a à peu près une éternité (environ quelques jours après que le monde d’avant s’éteigne dans une apocalypse de toux et de fièvre). Mais voilà, nous attachons un point d’honneur à écouter tout ce qu’on peut, et, à vrai dire, nous avions déjà jeté une oreille à l’album à l’époque, en nous disant « gardons ça sous le coude, y a un truc à faire ». Et du coup, on le fait.
Artwork.
On avoue qu’en voyant le nombre de pistes de l’album, notre sang se glace d’effroi. Limite old school, Opinon (Hugo Carmouze de son vrai nom) déboule avec pas moins de 22 titres, dont la durée moyenne doit avoisiner les 3 minutes et quelques poussières. Ce qui porte l’ensemble à plus d’une heure, presque à une heure et demie. Anachronique quand on pense qu’aujourd’hui la plupart des productions avoisinent à grand-peine les 40 minutes.
Est-ce un mal ? Pas forcément, ça nous laisse le temps de nous familiariser avec le son global de l’objet, parfois au détriment des premiers morceaux qui souffrent un peu du temps de réglage de notre focale. Ce son s’avère, nous l’avons, un peu particulier puisque assez mat. Même les aigus sonnent graves. Cela étant, ce n’est pas réellement préjudiciable au demeurant puisque ce parti pris réveille véritablement tout un courant musical que nous pensions mort et enterré depuis belle lurette (le rock lo-fi indé américain des années 90, et le grunge). C’est un des paradoxes d’Opinion puisque, lui, dans les années 90, il n’était même pas né (ou tout juste).
Bon, si la liste de titres nous fait un peu froid dans le dos, nous faisant nous dire que nous allons passer au minimum une dizaine d’heures sur son écoute, l’artwork (signé Cole Smith et Simon Wright), lui, nous attire irrémédiablement. Nous y sentons un énergie un peu diffuse dans le coup de crayon, ou de pinceau, nous démontrant une fois encore qu’ici tout cohérent. Y compris dans ces couleurs plutôt sombres (et mates elles aussi). Esthétisme qui nous parle d’emblée, il ne reste qu’à se pencher ce qui fait le corps de l’album.
Un soupçon de grunge, et de pop décalée.
On retrouve dans Molly ce dosage toujours efficace entre pop et rock, voire esthétisme punk/postpunk, agrémenté d’une très ponctuelle par quelques touches éparses de psychédélisme. Tout nait déjà d’une ligne de basse. Remontant des tréfonds de l’âme, elle s’impose bien vite comme le pouls de l’album. Pas toujours mise en avant, elle maintient tout de même la colonne vertébrale en place, sans scoliose ni rien de ce genre. Couplée à la batterie, tour à tour démonstrative ou plus intimiste (nous avons parfois l’impression qu’elle est jouée directement avec les doigts tant ses sonorités sont parfois ouatées), l’ensemble permet à Molly de ne jamais s’étaler dans un hommage obséquieux de mauvais goût.
Évidemment, les mélodies sont au rendez-vous, de façon totalement percutante. Qu’elles soient jouées à la guitare ou chantées, elles touchent leur cible avec une déconcertante facilité. Cette musique nous donne l’étrange sentiment de ne nous avoir jamais quittés, comme si, depuis 30 ans, elle perdurait dans notre esprit. C’est tant mieux car, même si elles font résonner les cordes nostalgiques, elles restent néanmoins ancrées dans une actualité, dans le temps présent. Bien joué, vous pouvez ranger l’anti-mite.
Une voix qui fonctionne.
La voix est toujours un argument susceptible de faire basculer un album réussi du côté obscur des bac à solde. Ici, fort heureusement, elle est tout à fait dans cette tonalité qu’on aime. Léger trémolo à la Eddie Vedder (Pearl Jam) sur un titre comme Divorce kid (I don ‘t wanna grow up), ni trop aigüe ni trop grave, elle nous montre au contraire une voix d’homme pas encore tout à fait sorti de l’adolescence. Et c’est tant mieux car nous y retrouvons ce côté absolument jouissif de ceux qui n’ont pas encore oublié les rêves de gosse qui les habitaient.
Nous pensons évidemment que ceux d’Opinion était de devenir un jour rock star, et il s’en donne les moyens. Les compositions en effet se suivent et ne se ressemblent que dans leur sonorité. Parce qu’au niveau structure, nous y avons un peu de tout. Titres ultra brefs et ultra vitaminés, titres pop absolu, morceaux proposant des passages répétitifs jusqu’à l’aliénation, destruction presque systématique des codes couplet/refrain/pont, passages intimistes, Opinion se fait plaisir, ce qui nous fait plaisir.
On aime aussi, pour en finir, le côté abrasif de l’ensemble, ce côté libre, cette inventivité parfois un peu foutraque mais qui n’oublie jamais d’être pertinente, toujours dans le bon tempo (c’est-à-dire sans jamais se la jouer beau gosse, mais en se la jouant lui-même tel qu’il est). Ce souffle de liberté nous prouve donc que la créativité d’un seul homme peut permettre de bâtir des œuvres gigantesques. Même si nous sentons qu’Opinion a mis un peu de tout ce qu’il avait dans la tête et sur le cœur dans Molly, un peu de concision n’aurait rien eu pour nous déplaire. Faute aisément pardonnable et pardonnée vu la qualité d’écriture qui est la sienne et qui nous laisse imaginer une carrière de tout premier ordre.
LE titre de Molly.
Comme nous sommes d’indécrottables ados, le morceau qui nous rappelle nos années collèges, et la déferlante Nirvana, le morceau qui nous parle le plus est My face. C’est étrangement l’un des plus courts de Molly, mais il possède tout ce qu’on aime, c’est-à-dire d’aller à l’essentiel, de ne pas tergiverser, d’être à la fois cri de guerre et de paix, exutoire et expiatoire. Grosses guitares, batterie lourde, rengaine qui nous fore la matière grise, tout y est pour un morceau libérateur. Bref, on aime.
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On pense à Gaz Newton