OLA kvernberg, Steamdome II : the hypogean
Nouvel album déjà disponible chez Pias/Grappa
Comme le suggère le nom de l’album, Steamdome II : the hypogean est la suite de Steamdome. Ce nouvel album d’Ola Kvernberg se situe donc dans la continuité de la voie empruntée par le jazzman norvégien qui, depuis sa découverte de l’electronica et le succès du tome I de ses nouvelles aventures musicales, semble avoir trouvé un terrain de jeu à la hauteur de ses aspirations. Ce tome II nous révèle une force créative ébouriffante, trépidante, spontanée et semble bien diriger le musicien et sa bande vers un nouveau succès.
Il faut dire que son disque a tout pour séduire, si ce n’est peut-être des titres à rallonges. À l’heure où tout doit aller à toute vitesse, Ola Kvernberg lui prend le temps de développer ses idées, sans se presser (ce qui peut s’avérer assez kamikaze et en décalage par rapport aux standards actuels). C’est ainsi que ces 8 titres dépassent allègrement l’heure d’écoute, avec un sommet à 14 minutes et onze secondes, à savoir le single Devil Worm. Osé ? Certainement ! Mais à la hauteur du talent qui irradie de chaque morceau ici présent.
Ne pas se répéter.
Le parti pris par le musicien s ‘éloigne de ce qui avait fait le succès de Steamdome, disque « cultivé, organique, percussif » comme le décrit le communiqué de presse. Ici, pour importer une part de danger, d’inédit, Kvernberg a indiqué aux musiciens qui l’accompagnent de sortir de leurs rôles habituels. Ainsi, lui-même troque parfois son violon pour une boîte à rythme et un synthé basse, Nikolai Haenfie, bassiste, prend la guitare et Daniel Formo, officiant d’ordinaire à l’orgue Hammond se tourne vers des machines conception maison. Grand bien leur a pris puisque ce nouvel opus apparaît totalement spontané malgré l’évidente complexité qui en émane.
Mais cette complexité, rassurez-vous, est d’une grande fluidité, aussi stimulante intellectuellement qu’aisée à écouter. Nous sommes à la fois saisis, à la première écoute, avec la connexion instantanée qui s’effectue entre le disque et nous, connexion qui nous aimante et nous invite tout de suite à la danse, au lâcher prise. Nous sommes très rapidement conquis par la richesse des thèmes ou genres abordés et ici tissés du même fil ardent d’inventivité.
Jazz, électronique, world et psyché.
Il est exaltant de constater à quel point Ola Kvernberg réussit à nous attirer dans les mailles de son filet en disposant des appâts jazz, électro, world music, psychédéliques (très pop dans l’âme) dans sa musique. Si les noms cités en référence dans le communiqué de presse, forcément, font tilt (Gustav Mahler, Fela Kuti, John Williams (Kvernberg est également compositeur de musique de film), Kraftwerk, Billie Ellish et Squarepusher), nous trouvons aussi une essence n’étant pas sans nous rappeler les délires sonores de Pink Floyd ou un aspect festif aux atours asiatiques comme Yìn Yìn pouvait nous en proposer dans son The rabbit that hunts the tigger.
Rythmiques afro-beat, transe chamanique, ouverture des perceptions avec des thèmes répétitifs qui nous font tourner la tête et perdre nos repères, tout est fait pour que Steamdome II : the hypogean nous ébouriffe, nous fasse voyager dans le cosmos. Sans pour autant sombrer dans une quelconque vulgarité ou facilité. Bien au contraire, aidé par une production très bien calibrée, aux teintes chaudes, quasiment intemporelles, dégageant une ampleur évoquant autant les forêts scandinaves que les déserts de sable et de pierre d’Afrique ou du Moyen-Orient, le disque propose un tour du monde immobile au sein même de notre imaginaire.
Parenthèse.
Alors, l’album s’écoute les yeux fermés. Devant nous se précipite un nouveau monde fait de sensations uniques. Si le violon (et parfois les choeurs utilisés comme des nappes sur Diamondiferous) apporte une petite touche de (très) légère mélancolie, ou parfois un caractère épique, ou sacré/spirituel, voire les deux en même temps, la basse, les parties percussives en revanche nous transportent dans un univers plus grisant, celui de la perte de retenue, celui de la fête, de la danse. La force qui se dégage de certains paradoxes de l’album (analogique vs numérique, mélancolie/joie, instantanéité/richesse des compositions et thèmes abordés) fait que des zones multiples de notre cerveau sont activées en même temps, ne nous laissant jamais une seconde de répit.
(danse)
La spirale « infernale » commence donc, nous entraine en terres asiatiques, africaines, occidentales ou latines à un rythme soutenu, tout en balayant des styles musicaux qui n’ont a priori rien à faire ensemble et qui pourtant dégagent un foisonnement de sensations, d’émotions diverses. Nous passons de la sidération quant à la maitrise technique à la joie extatique d’une transe électro, d’une certaine noirceur à une euphorie qui survient en un quart de seconde. Nous dansons, puis nous nous asseyons pour comprendre le pourquoi de tels arrangements, et chaque nouvelle écoute nous propose cela à des instants différents. Si Steamdome II dure 64 minutes, il faut amplement plus d’une vingtaine d’écoutes pour en saisir toute la portée mélodique, pour tenter de déceler une partie de sa magie.
Ce disque est une pépite étincelante, de celles qui nous font nous dire que jamais nous se serons aussi près d’une forme de pureté à même de transcender les genres, de fondre les frontières physiques en un grand disque que chaque habitant de la planète serait à même d’appréhender de la même façon malgré sa culture. Génial !
LE titre de Steamdome II : The hypogean.
Incroyablement complexe de citer un titre en particulier. Prenez par exemple Devil Worm qui en 14 minutes nous propose des univers incroyables, allant d’un caractère presque rétro futuriste au psychédélisme typique des années 60/70 en passant par la transe électronique. Pourtant, peut-être que le morceau crucial de The Hypogean reste celui qui nous fait entrer dans ce nouveau monde, à savoir le titre d’ouverture Arpy.
Tout commence par des nappes de synthé allant crescendo, qui impose un paysage devant nos yeux, avant qu’un beat électro dévastateur nous retourne complètement la tête par sa frénésie schizophrénique. Là où l’aspect contemplatif du début du titre semblait nous indiquer un album presque ambient, l’électro la plus débridée nous entraine sur un dancefloor imaginaire sur lequel toute la population mondiale se déchaine, en faisant fi de tout a priori. Quand le retour au calme s’effectue, que notre coeur reprend un battement plus régulier, c’est l’apaisement qui nous saisits, celui survenant après un défoulement du corps et de l’esprit toujours salutaire. Dans Arpy réside peut-être (sans doute) l’essence de Steamdome II.
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