[ALBUM] MUSH, Lines redacted //pop new generation.

Lines redacted, deuxième LP de Msuh (disponible le 12/02 chez Memphis industries).

Moins d’un an après son debut album, faisant suite, dans l’intervalle, à deux EP, revoilà Mush avec Lines redacted. Si le premier nous avait tapés dans l’oreille, mais que nous n’avions pas pu chroniquer (faute de mémoire, nous l’avons zappé), nous rattrapons le coup avec ce disque une nouvelle fois totalement fou, étrange, créatif, dégageant un côté à la fois foutraque et totalement rigoureux.

Car il faut dire, le groupe de Leeds, composé de Dan Hyndman (guitare et voix), Nick Grant (basse et voix) et Phil Porter (batterie), ne fait rien comme tout le monde. Derrière des lignes de chant théâtralisées, dégageant parfois un aspect « comique », au trait hyper forcé, exagéré, derrière des guitares sonnant à nulle autres pareilles, derrière des compositions osées, Mush ose une pop plus cérébrale qu’il n’y paraît de prime abord.

La musique.

Sommes-nous véritablement en territoire pop ? Assez difficile à dire à la vérité. Pas assez abrasif pour être du rock, la musique du combo s’acoquine un peu avec le punk, dans cette façon de s’exprimer et dans l’impression que tout cela est fait à l’emporte-pièce, sans trop se soucier du résultat. Le chant en est un parfait exemple. Jouant souvent sur des inflexions forcées, poussées à leur paroxysme, comme pour dire « vous avez vu, je ne sais pas chanter ? mais je le fais quand même ! » ou au contraire « vous avez vu ? Je sais chanter mais je fais comme si je ne savais pas ! », Dan Hyndman impose un style inimitable, aisément reconnaissable.

Cela s’appuie sur une guitare électrique, pas saturée, qui évoque un peu le son de The cure sur certains morceaux, à certains moments, absolument folle, se jouant des gammes pour dérouler des arpèges extra-terrestres, et sur une base rythmique elle aussi schizophrène. Le résultat donne une musique assez vite assimilable malgré la complexité des arrangements et des structures. Un côté je t’aime moi non plus émane alors des compositions, comme si elle nous disait « aime-moi je te fuis ». Cela se traduit par une facilité déconcertante à accrocher sur les morceaux de Lines redacted avant de se rendre compte que tout ne s’écoute pas que d’une oreille distraite.

Les thèmes.

Cette dichotomie attirance/(presque) répulsion nous place en situation de vigilance. Oui, un côté rigolo peut apparaître à première écoute, mais quand nous y prêtons une oreille sérieuse, l’ensemble nous le paraît beaucoup moins. Il apparaît même que le groupe pourrait être comme ces grenouilles aux couleurs chatoyantes : attirantes mais terriblement dangereuses. Et c’est tout à fait le cas puisque les thèmes abordés par Mush sont loin d’être simplistes et reposent sur un vrai constat du monde qui nous entoure.

Avec 3D routine, le premier LP du groupe, Mush se définissait comme étant à l’image de l’environnement politique de la mi-2019 (un gouvernement socialiste semblait alors en vue au Royaume-Uni). Mais les choses ont évolué de façon folle, comme nous le savons tous, et Lines redacted en est le reflet. En effet, il « use d’un cynisme ironique comme mécanisme d’adaptation à l’environnement dans lequel nous nous trouvons désormais ». Pour imager ce cynisme, les douze titres de l’album sont interprétés du point de vue d’un narrateur différent pour chaque piste. Certains encensent, d’autres réprouvent, ce sentiment d’effondrement de nos sociétés (notamment à l’heure des confinements et des restrictions sanitaires liberticides).

Loin d’être simpliste.

Ce disque est donc loin d’être simpliste, et en ce sens il correspond exactement à l’époque. S’il peut s’avérer léger, ce n’est que façade, car s’il est paradoxalement plein de vie, plein d’envies, il donne à réfléchir. Le côté sautillant des compositions, étant parfois presque surréalistes, nous propulse dans un univers dingue. Quand sur Lind Discotinued la musique se fait plus traditionnellement pop, le groupe démontre que son style n’est pas fruit du hasard, ni d’un amateurisme quelconque. Ce titre rétame tout. Et rehausse l’ensemble du disque vers une écoute plus poussée encore. À chaque fois que nous franchissons le cap de ce dernier morceau, nous ré-appréhendons le disque selon un angle de vue modifié, réajusté.

C’est un peu, finalement, comme si ce dernier morceau de l’album était une mire servant de référent sur lequel nous appuyer pour mieux comprendre l’univers de Mush. Ainsi, ce qui sautait aux oreilles à la première écoute, à savoir un joyeux foutoir/exutoire, gorgé de bonne humeur, de légèreté et de joie se trouve en vérité habillé de teintes plus sombres, tristes, voire carrément désespérées. Même si, dans le tourbillon des compositions tout s’entremêle inexorablement, pour notre plus grand plaisir.

Cela fait de Lines redacted un disque à la mécanique plus complexe qu’il n’y paraît. Et c’est tant mieux car de nombreuses écoutes permettent de mieux ressentir le propos de cet album foisonnant d’idées et de maîtirse de son propos. On ne pouvait donc assurément pas passer à côté de l’album, cette fois-ci.

LE titre de Lines redacted.

Certes, le dernier morceau de l’album, comme nous avons pu l’évoquer plus haut, est un très bon morceau. Mais c’est aussi, peut-être, l’un des plus marginaux du disque (en effet, il se démarque fortement du reste des autres titres). Alors ce n’est pas lui que nous plaçons en tant que titre de l’album. Nous préférons opter pour Dunsting for prints et son « What the fuck happens ? » et sa ligne de chant complètement hallucinée.

Il se dégage de cette question tout ce que nous avons pu ressentir lorsque nous nous sommes pris dans la tronche le premier confinement. Mais outre cette ligne de chant incrédule, c’est la musique qui nous frappe avec cette impression de dégringolade, du sentiment de sidération qui va avec, qu’elle traduit par ses arpèges en gammes descendantes. L’idée de vertige qu’elle impose terrasse, celle d’une chute tout sauf contrôlée. Avec son aspect répétitif oppressant, ce morceau représente aussi le choc psychologique résultant des annonces à la fois gouvernementales et sanitaires ; Mais what the fuck happens ? On se le demande encore à l’heure actuelle. Les codes ont changé, et Mush le représente parfaitement dans ce morceau qui nous apparaît comme absolument génial.

NOTA à propos du titre Hazmat suits (tiré du communiqué de presse).

Il arrive sous la forme d’une série de lignes de guitare, coupées par une section rythmique tapageuse. En tant que compositeur principal, Dan Hyndman nous offre une autre vision très ironique du paysage dystopique qui se joue autour de nous :

« Le concept des Hazmat Suits est bizarrement antérieur à la pandémie« , explique-t-il. « Il est ensuite rapidement devenu pertinent et j’ai réécrit rétrospectivement certains des vers. J’ai vu un groupe de gars en combinaison Hazmat entrer dans un immeuble du centre ville de Leeds vers le mois de mars, c’est une image très forte qui m’a fait reprendre la mise au point. Cela évoquait une véritable ambiance dystopique moderne« . Il ajoute «  A près d’un an de sa conception, il est possible qu’il soit un peu attendu de sortir un morceau appelé Hazmat Suits, mais à l’époque, il était plutôt prémonitoire. C’est notre excuse de toute façon« . Lucide.

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