MORT ROSE, Au revoir cowboy (au soleil couchant du psychédélisme)

au revoir cowboy mort rose2é album déjà disponible.

Mort Rose, c’est l’amour du rock psychédélique inspiré des années 60, années desquelles le groupe semble ne jamais s’être réellement échappé (bien qu’il ne les ait jamais connus « en vrai »). Est-ce une mauvaise chose ? Absolument pas parce que leur 2é album, Au revoir cowboy, est une petite merveille du genre, chanté en français, pour notre plus grand plaisir.

La formation existe depuis 2016, avec à son bord, quatre hurluberlus biberonnés à l’essence psychédélique (avaient-ils du LSD dans leur lait ? Rien n’est moins sûr). Mort rose, composé d’Alexandre Archambault, Christophe Charest-Latif, Julien Comptour et Mark Cool, possède à son actif un premier EP, Avoir 20 ans, quelques singles et un premier album Né pour aimer. Le groupe, canadien, ne se repose donc pas sur ses lauriers même s’il prend le temps de bien bosser ses compositions et ses sonorités. Car l’une sans l’autre, la magie ne fonctionnerait pas.

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La crise.

Il faut dire que le travail du son est énorme et nous place directement dans les belles années 60, en tout analogique, en tout « d’époque ». Nous n’avons même aucun mal à imaginer les musiciens vêtus en gilet sans manches en pure laine de mouton (ou de lama), pantalon patte d’eph bariolé, col de chemise pelle à tarte, voir à jabot etc….

Enfin bref, ce disque, on le croirait exhumé d’un placard que nous aurions chiné dans une brocante, placard qui n’aurait jamais été ouvert depuis près de soixante ans et qui renfermerait de précieuses bandes du temps jadis. Comme un précieux trésor, cet album est d’une incroyable richesse, tant dans ses sonorités que dans la manière dont le groupe s’y prend pour les mettre en valeur.

Mort rose possède le feu sacré, celui qui nous fait aimer la musique depuis toujours, et qui le fera jusqu’à notre mort (rose il va sans dire). Le charme opère par un parti pris esthétique assumé, qui paradoxalement dégage aussi cette impression que le groupe se fait avant tout plaisir, n’hésitant pas à être presque parodique, ou fortement teinté d’autodérision par moments. Et c’est tant mieux car jamais Mort Rose ne joue les donneurs de leçons. Au contraire, il partage sa musique en toute décontraction, ce qui nous parle particulièrement.

Mélodies et harmonies.

Si les sonorités sont géniales, elles ne seraient en revanche rien, ou pas grand chose, sans l’énorme travail de mélodie. Celles-ci font mouche instantanément, qu’elles soient instrumentales ou vocales. Instrumentalement parlant, nous retrouvons une base classique guitare basse batterie, sur laquelle s’ajoutent tambourin, cuivres, flûte, orgue, sitar, le tout avec un grain old school hautement jubilatoire. Vocalement, nous avons un chant lead, des choeurs toujours inspirés, mais le groupe se frottent aussi, et toujours avec un certain génie issu du passé, aux harmonies. Un titre comme Je dois savoir en est une excellente démonstration par exemple.

Nous restons toujours dans le giron du rock psychédélique à l’écoute d’Au revoir cowboy, néanmoins des pointes free jazz surviennent parfois, comme sur le morceau titre. L’expérimentation n’est jamais loin non plus (Boubilou, La loi du lynx). Nous sentons se télescoper pas mal de références mais celles-ci, bien digérées, sont quasiment indéfinissables, même si le sitar sur Money nous rappelle forcément quelques noms mythiques. Les paroles participent grandement au délire psychédéliques, même en jouant le paradoxe comme avec ce « inutile d’ouvrir mon esprit » presque antinomique avec ce genre qui prônait l’ouverture des portes de la perception.

 

Kitsch

Si Mort rose semble flirter avec les stéréotypes, il le fait d’une façon si subtile que jamais il ne tombe dans le kitsch. Tout ici semble couler de source, y compris une entame de titre presque rockabily (Je dois savoir) ou une fin « gaudriole » (Money). Nous sentons qu’Au revoir cowboy se placerait sans conteste parmi les meilleurs albums du genre des 20 dernières années, s’intercalant à merveille entre le Free the Bees de The bees et le I’m in your mind fuzz des King Gizzard and the lizard wizard. Chef d’oeuvre donc ? On n’en est effectivement pas très loin.

Ce disque ne souffre d’aucun point faible, c’est un fait. Cela tient en parti à la tracklist très finement définie. Le groupe l’articule autour de 3 ou 4 morceaux très forts (on pense à On part au soleil et son départ tronqué, comme si le groupe s’enregistrait en une seule prise lors d’une séance studio, Je dois savoir, Money, et pourquoi pas La loi du Lynx). Entre eux, des morceaux plus courts, petites pièces de plaisir intégral reposant sur peu de mots mais aux univers contrastés (rien à voir entre Boubilou et Pète un badtrick par exemple), variés, pourtant l’album ne perd jamais en cohésion ni cohérence.

Plaisir à tous les étages.

Cet album est une pure tuerie, au son inégalable, aux paroles minimales mais qui nous laisse triper comme nous l’aimons, en usant de la répétition façon mantra comme d’un catalyseur de good vibration. D’ailleurs, on pense, pour les fameuses harmonies vocales et au soleil qui émane des compositions, au groupe de Brian Wilson. Mais en fait, tout nous rappelle l’époque où faire de la musique était une course à la perfection, une saine compétition ou les imaginaires n’étaient pas sclérosés comme ça peut être parfois le cas aujourd’hui.

Au revoir cowboy est donc une pépite, un diamant à mille face, de l’or sonore. En lorsque celui-ci s’achève, et qu’il nous faut passer à un autre disque, nous avons bien du mal à nous retrouver un semblant de frisson d’excitation. Excellente surprise donc qui nous prouve que le Canada rime aussi avec psychédélique.

LE titre de Au revoir cowboy.

Alors nous on adore Je dois savoir. Les paroles sont minimalistes « je dois savoir si je pars ou je reste » répétées au moins une bonne vingtaine de fois, avec une variante qui donne « parce que si je reste ». Autant dire que le groupe ne s’est pas foulé à ce niveau, mais que c’est diaboliquement efficace, surtout sur cette base rockab’ jubilatoire avant que Mort rose embraye sur le psychédélisme à haute teneur en énergie et l’instrumental final sur lequel des cris plus ou moins bestiaux se font entendre. Ajoutez à cela un clip fait maison et vous avez tout bon ! Si vous avez le cafard, ou un coup de mou, on vous le conseille, à plein volume, au casque de préférence, et vous verrez, tout votre spleen s’envolera en fumée !

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