LES LIGNES DROITES, Karl (album disponible)

les lignes droites karlUn disque de voyous.

Il y a les disques de salons, et les disques de bitume, d’asphalte. Il y a les disques des beaux arrondissements, il y a ceux de la banlieue. Enfin, il y a des disques inoffensifs et ceux qui vous travaillent au corps, façon poids lourd, façon Tyson ou consorts. Karl fait partie de la deuxième catégorie, et assurément, Les lignes droites est un groupe infréquentable, donc foncièrement plus intéressant que la moyenne.

Sorti il y a un peu plus d’un couple d’année, Heusden Zolder, leur précédent EP, avait marqué d’une croix un emplacement, un point zéro, d’où tout se devait de partir. Pourtant, Karl n’est pas leur premier album, il s’agit de leur deuxième, mais comme pour Heusden Zolder, il marque un nouveau départ, comme si leur musique, en perpétuelle mue, repartait au combat vêtu d’une nouvelle peau.

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Karl est un disque de voyous. Il est fondamentalement punk, no future en ligne (droite) de mire. S’il était une couleur, il serait ce gris cradingue des barres d’immeubles passées à la moulinette de la pollution urbaine. S’il était un son, il serait celui de la gomme qui mord le goudron, dans un crissement de pneu, ou dans la stridence d’un freinage d’urgence. L’album déboule à pleine balle, nous place dans nos retranchements, nous martèle la sangle abdominale d’une pluie de directs. Il nous accule, nous oppresse, ne nous calcule pas. En deux mots, il file au but, à son but, en s’en foutant royalement de faire des détours pour plaire au chaland.

Ne pas prendre la tangente. Rien que le nom du groupe est un symbole : celui qui ne louvoie pas, qui n’enjolive pas, qui te balance une beauté crue, viscérale en pleine tronche. Touché coulé, pas le choix, soit on se raccroche au wagon, soit il nous passe dessus. Dans les deux cas, il ne laisse pas insensible. On aime, ou pas, point barre.

Lumière blafarde.

Bien qu’il soit punk, il est aussi rock et aussi électro, un peu chanson aussi, un peu expérimental (Muted, qui clôt l’album en est un parfait exemple). Le groupe ne cherche pas à entrer dans une case, il les explose, nous porte dans une transe technoïde à bien des égards (T’es où dans le graphe et son finish frénétique), dans un magma incandescent aux sonorités inventives et aux trouvailles géniales, marque de fabrique d’un groupe ne copiant personne (l’infernal Mickey Mickey).

Nous pensons parfois à un groupe comme Suicide, sur Pardon !, par le motif répétitif dévidé à l’infini, mais toujours augmenté d’une pointe d’émotion à fleur. Parce que le groupe, âpre, n’en possède pas moins une forme de poésie, celle de l’instantané (faux instantané puisque le boulot sur le disque, ses sonorités, ses structures est fruit d’un travail posé et réfléchi, abouti).

Quand il se fait lysergique (À ma rétine), son psychédélisme se fait mordant, mais aussi étrangement envoûtant. À nous faire croire que nous sommes sado-maso, qu’on en redemande. Et c’est le cas, malgré ce poids que le groupe laisse planer au-dessus de notre tête, comme le tranchant d’une épée de Damoclès sur le point de s’abattre sur notre crâne, déjà fêlé.

Essoufflés.

Le disque est une évidence, de celle qui immanquablement nous dit que ce disque est un grand disque, mais qui ne se livre pas en pâture comme n’importe quelle pute* instgrammable. Les lignes droites ne se pavane pas, ne montre pas son cul pour engranger un max de suiveurs suceurs. Droit dans leur botte, le groupe est à contrepied du charmeur vide de sens, de cette époque basée sur l’apparence et non sur l’être.

Les paroles, nébuleuses, véhiculent néanmoins un propos où l’urgence pointe, où l’espoir se tari. Elles conduisent vers des portes de sortie qui ne sont pas celles que nous aurions de prime abord choisis. Faute alternative, et d’intelligence, le troupeau les emprunte, en masse grouillante et informe.

Il aurait juste suffi de tourner un peu la tête, d’observer alentour pour qu’une autre voie se dévoile. Mais pris dans l’entonnoir, passé à la moulinette d’un manque de révolte intime, ce troupeau s’y jette corps et âme. Et nous, à côté, de constater le désastre. Et de nous dire que, finalement, un peu d’acuité ne fait pas de mal, quitte à être à la marge.

Ce disque ne se livre pas, nous le répétons. Il est un combat qui commence à être remporté au bout d’une demi-dizaine d’écoute, ce qui n’est pas plus mal, car un sentiment de victoire s’empare de nous lorsque nous en sommes venus à bout et qu’il nous délivre de nos péchés de suffisance.

LE titre de Karl.

On doit l’avouer, Mickey Mickey reste notre titre préféré de l’album. Il est à l’image de leur Est-ce qu’on prend le temps, qui figurait sur leur précédent EP, et qui nous avait mis la même claque monumentale. À noter toutefois les excellent Détends-toi, T’es où dans le graphe, Des eaux, des lacs et À ma rétine qu’on aime un peu plus que de raison !

 

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*pute métaphorique, aussi bien homme que femme, qui base sa vie sur le fait d’être reluquée sous toutes les coutures.

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