[ ALBUM ] LE SKELETON BAND, Aux cavaliers seules, à l’os
Aux cavaliers seules, 5éme album de Le skeleton Band.
Il nous arrive comme ça, de temps en temps, de tomber sur un disque inattendu. Un disque qui semble anodin, et dont l’introduction éveille juste une petite curiosité, mal famée. Et puis, nous nous laissons guider par elle, jusqu’à un premier titre, âpre, écorché, et l’engrenage nous entraîne dans une écoute captivante. Aux cavaliers seules, du Skeleton band, est un de ceux-ci.
À l’os.
Minimaliste. Rugueux. Sans fioritures. Direct. Dégageant une puissance animale, qui n’est pas là pour plaire, pour faire des courbettes, mais plutôt pour vous sauter à la gorge, pour expulser toutes sortes de sentiments négatifs d’un corps et d’un esprit cabossé. L’esprit d’ailleurs y est blues, de celui des champs de coton ou des rives du Mississippi, celui des opprimés, qui chantaient pour dissiper la peine, la souffrance, la perte de la liberté.
Le skeleton band joue de ses instruments sans les surproduire. Le son est brut, dans le sens cash. Une batterie, une contrebasse, une guitare, une voix, quelques choeurs, quelques autres instruments aussi, mais joués ici tels quels. La production est rêches, râpeuse, mais elle décuple le pouvoir évocateur de la musique du trio (Alex Jacob, chant, guitares, banjo, concertina, Bruno Jacob, contrebasse, choeurs, et Clément Salles, batterie, mélodica, vibraphone). Le skeleton band, comme son nom l’indique, est dépouillé jusqu’à l’os. Mais cette mise à nu est fascinante.
Blues bastringue.
Voilà comment se définit le groupe. Le côté bastringue provient sans doute du fait qu’il peut se produire n’importe où puisque très souvent acoustique. Seules les guitares sont parfois électrisées, la voix aussi, un peu, via quelques effets de réverbération, délivrant un peu de colère, un peu d’orage, un peu de pleurs, un peu de tout (et un peu du reste). L’assemblage des idées et des instruments véhiculent une identité forte, portée aux nues par une voix sans fard, dont la pudeur se répand dans une tension à peine soutenable parfois.
Son blues ressort simplement, purement, selon une éthique indiscutable, celle des origines. Pour autant, la musique du trio ne se cantonne pas au simple blues, mais lorgne avec finesse une certaine forme de post-rock. C’est souvent incandescent, les instrumentaux développant des thèmes mélancoliques poignants (Cavalier seul en est un parfait exemple), entre tension et relâchement. Les arrangements sont sublimes, minutieux, pertinents, et démontrent un art de la dramatisation maîtrisée, ne virant jamais au gênant. Pas de pathos autrement dit, juste une émotion vibrante.
Tension.
Il y a de la tension dans Aux cavaliers seules. Une tension palpable, aiguisée par l’électricité d’une guitare, par ce chant très particulier dont l’intention est d’être percussif, d’être aboiement, et par l’usage, tel un spectre qui rôderait dans les environs, de l’électricité (La chair et les os). Nous nous sentons vulnérables, impuissants, mais paradoxalement gonflés de sève, de celle qui dit qu’il est bon d’être en vie. En ce sens, Le skeleton Band nous donne envie de ressortir de sous terre, et de nous remettre à avancer, quitte à s’écorcher la plante des pieds, quitte à souffrir pour nous émanciper de nos doutes.
La tension de l’album provient aussi de la structure même des morceaux. Outre de belles parties instrumentales, elles oscillent entre tradition rock ou en un déluge plus indomptable, sans véritablement avoir de forme connue. Le groupe y développe ses textes, entre français et anglais, avec une égale réussite, une égale présence, le tout en prenant le temps de nous mettre en conditions. Le but n’est jamais ici de provoquer pour provoquer, mais de laisser celui qui écoute se laisser submerger par les émotions, nombreuses et viscérales.
Avec ce cinquième album en 11 ans, Le skeleton band nous démontre que la musique est plus que jamais un vecteur de sensations puissantes. Aux cavaliers seules ébranle nos certitudes, comme dans le titre même de l’album ou le féminin s’invite au masculin, où les repères s’effondrent comme une tour calcinée, celle de nos certitudes. Puissant.
LE titre de Aux cavaliers seules.
Ce qui nous a parmi de ne pas zapper le groupe, c’est son deuxième titre. Comme nous vous le disions, l’intro servait d’amuse-bouche, le plat de résistance arrivant dès À peine souffle repris. La gifle que nous recevons n’en est que plus violente. Le chant y est brûlant, sauvage, la musique tendue, prête à lâcher des déferlantes d’accords, ce que se refuse à faire le groupe, nous laissant essoufflés, à attendre la délivrance. Est-ce que Le skeleton band joue avec nos nerfs ? Fort possible. Toujours est-il que ce titre, qui finalement lâche du lest aux alentours des 2 minutes, regagne en tension par la suite. Le titre nous épuise, nous vrille les nerfs, mais on adore ça.
Site officiel Le skeleton band
On pense à Dalès