LA HOULE, La chute (disponible le 03 décembre)

La houle, la chuteShoegaze à la française.

Tout commence par un visuel, genre clair obscur, réaliste, sans fard mais pudique. Un tableau de famille en somme, à l’éclairage bien dosé, à l’arrière-plan sombre, comme une métaphore de La chute, un disque lumineux qui recèle ses parts d’ombres. Au dos, la même prise de vue, la grand-mère envolée, ne subsistant de sa présence qu’un briquet, un cendrier, et l’homme qui fixe l’objectif, qui en dit long par ce regard. Avec La chute (october tone/music from the masses), La houle ne séduit pas. Il fait bien plus que cela.

La houle, c’est Simon. La chute, c’est son nouvel album, un disque en français, aux paroles poétiques, énervées, résignées, s’étiolant dans des sonorités de claviers, un mur du son de guitare, batterie, basse post punk, et d’effets sur la voix, comme pour masquer en partie le propos, par timidité, par pudeur, par goût du mystère aussi, celui qui ne se dévoile qu’à force d’écoutes poussées.

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Pénétrer dans une intimité.

Le disque est conçu autour des confessions de la grand-mère de Simon. Il habille ses textes d’un rock inspiré du shoegaze, d’une forme d’électro, d’un caractère noise aussi. Il est orageux, crépusculaire, éclairé à la bougie, vibrant d’une énergie indomptable qui pousse le chant dans des retranchements incertains. Les tonalités de la voix seraient proches d’un improbable mélange entre Daho et Miossec, surtout très proches de l’incandescence d’un Daniel Darc (sur L’égaré.e en particulier), mêlant fragilité et force dans un même souffle.

Les textes ne sont pas en reste. Plus souvent noirs que blancs, nous y sentons une pointe de culpabilité, une expression de l’Amour, avec ce A majuscule, pas obligatoirement pour une personne, mais pour la vie elle-même. Nous y sentons aussi une mise à nu, totale, masquée par une musique qui la recouvre comme un voile de pudeur. Le but n’est pas de tout déballer comme ça sur la table, mais de suggérer, de laisser le doute s’installer, surtout dans la compréhension des thèmes. C’est peut-être un peu comme si La Houle nous laissait la possibilité de nous exprimer à sa place, de laisser voir une couleur qui serait celle de nos émotions enfouies.

Comme les anglais.

Le disque a été conçu entre la France et l’Angleterre (Londres, où d’autres?). Cela s’entend, car si le chant est en français, la musique sonne british de façon assumée, et brillante aussi. Comme nos voisins d’outre-manche, maintenant brexités, La Houle joue sur l’impression que laisse sa musique après son passage. Comme une tempête visible dans les dégâts qu’elle a semés sur son passage, la musique de La Chute s’éparpille en nous, fait s’effondrer des pans entiers de barricades dans notre inconscient.

Les mélodies restent, l’impulsion d’une rythmique aussi (Ode à l’errance, Apocalypse (über alles)…). Elles ressurgissent lors des moments de stress, ou d’accalmie, comme pour nous signifier que nous passons par des états transitoires, que nous ne sommes que de passages nous-mêmes. L’effet est terrible, romantique à souhait, et nous renverse par sa sincérité lumineuse. Car si nous ressentons un spleen sur pas mal de compositions (euphémisme pour ne pas dire toutes), il émane de cet album une lumière intense, blanche, parfois aveuglante qui contraste avec cette mélancolie. Comme l’Amour, celui avec le A majuscule, qui nous retourne la caboche, entre cimes et abysses émotionnelles.

Main de velours.

Derrière ce mur du son, il y a des arrangements méticuleusement préparés, d’une infinie richesse. Ils s’accordent avec le mystère des paroles qui nous oblige à tendre l’oreille, desservant un tout incroyablement magnétique, qui nous fait réagir viscéralement, nous place dans une situation d’excitation assez particulière, bienvenue pourtant.

Le disque dégage une force bien à lui, qui ne ressemble à rien d’autre de connu. Il est coincé entre la terre et les cieux, entre un horizon lointain, paradoxalement peu attirant, mais dégagé, propice à l’espoir, même ténu. Il nous invite à nous pencher aussi en dedans de nous, à y puiser un peu de notre âme, nous offrant la sienne en retour, comme un cadeau. Si nous la saisissons, il nous faut aussi laisser la nôtre à disposition, ce que nous osons faire en toute confiance, parce que nous savons qu’elle ne sera pas blessée en contrepartie. La chute est un disque intense émotionnellement parlant, à prendre dans sa globalité ardente (et Dieu qu’on aime ça !).

LE titre de La Chute.

Nous n’aimons pas forcément citer les singles comme étant nos morceaux de références d’un disque, mais il s’avère que les ceux-ci ont ici été choisi avec soin. Grosse affection pour Apocalypse (über Alles), Toi (ce moi). Si nous devions citer un autre titre, nous dirions La mort des amants (single lui aussi), pour son côté gothique. Mais qu’importe au final, tous les titres se tiennent admirablement, dégagent une force tellurique pleine d’intensité, sans jamais perdre de vue une légère tendance aérienne qui fait que, définitivement, ce disque nous entraîne ailleurs.

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