INSTITUT, L’effet waouh des zones côtières.
Troisième album disponible chez Rouge déclic.
Qui n’a jamais poussé un « Waouh » en découvrant sous ses yeux ébahis la beauté naturelle d’une zone côtière jusqu’alors invisible se dévoilant soudainement au hasard d’un virage ? Ainsi, rares sont les albums au titre aussi évocateur de ce qu’ils renferment, tout en étant (presque) à l’opposé de ce qu’il pourrait vouloir décrire. Car de zones côtières, il n’est point question ici (ou très peu), l’univers étant plutôt relatif à la ville, à la société de consommation, à la modernité. Pourtant, à l’écoute, ce nouvel album d’Institut nous fait pousser un grand Waouh, totalement spontané et sincère.
Il faut dire qu’ici, nous sommes chouchoutés, de tous côtés. Musique luxueuse, dévoilant des ambiances contrastées, à la production sans faute de goût (et plutôt très haut de gamme, nous tenions à le préciser) et des textes à la poésie nostalgique, douce, amère, un rien cynique, à l’écriture précise et inventive. En deux mots, la pop d’Institut régale nos exigences en matière de chanson en français dans le texte.
Duo devenu trio.
Institut n’en est pas à son coup d’essai puisque L’Effet waouh des zones côtières est son troisième LP. Initialement duo, formé d’Arnaud Dumatin et Emmanuel Mario, Institut s’est vu augmenté par la présence de Nina Savary lors du deuxième album Spécialiste mondial du retour d’affection. Dans ce troisième album, elle est partie prenante du charme dévoilé tout au long des 11 titres.
Le duo vocal en effet nous propose une plongée dans un univers poétique et un peu fou. Un peu fou parce que plutôt que d’évoquer la magnificence d’un paysage de bord de mer, il nous bouscule par des paroles sans filtre, mélange de naïveté, d’innocence, de critique de cette société qui est la nôtre. Le contraste voix féminine/voix masculine fonctionne ici à merveille. Nous trouvons presque la voix masculine plus douce tant le flegme hargneux de Nina Savary peut sembler désarçonnant. Ce qui ‘avère plutôt payant car nous ressentons à la fois la beauté et la cruauté du monde qui nous entoure, à l’époque covid 19 qui est la nôtre.
Pop, synth pop.
Pour situer un peu où se situe l’univers d’Institut, nous dirions presque que nous sommes à mi-chemin entre un Sébastien Tellier qui aurait mis du Mickey 3D dans ses paroles. Le groupe dégage en effet une impression étrangement rétro futuriste sur certains morceaux, tout en étant en prise avec un quotidien social ultra présent. Si sa musique fait rêver, par ses nappes de claviers parfois oniriques, très « waouh », sa poésie est comme un retour de bâton qui viendrait nous rabrouer parce que nous aurions succombé à la simple beauté, sans voir ce qu’elle pouvait cacher de solitude, d’éloignement, de tristesse. Car il ne faut pas s’y tromper, nous sommes sans cesse ballottés entre optimisme épique, et constat froid d’une poésie incarné par le soleil rasant un Buffalo Grill de bord d’autoroute.
Ainsi, nous ressentons un spleen lumineux à l’écoute de la quasi-totalité des titres, mêlé à une excitation extatique face à l’acuité du regard du groupe sur ce que sont devenues les relations humaines depuis une dizaine d’années. En nous prenant à témoin de ce qu’est devenu l’amour, de ce que sont devenus nos rêves, Institut nous fait prendre un coup de vieux. La nostalgie du « c’était mieux avant » se saisit dès lors de nous, nous qui étions si fleurs bleues (et qui indécrottablement le sommes encore).
Le son.
Pourtant, c’est magnifique. Tout s’accorde à merveille dans ce disque, de la beauté première des voix, s’accordant l’une à l’autre, en passant par une musique pointue, exigeante, précise. Nous succombons à cet art de la composition qui consiste à rendre le vieux plus que moderne, en mettant en avant des textes au cordeau qui nous laissent pantois par leur finesse d’analyse, sans perdre pour autant le pouvoir toujours magique de la justesse du verbe. Rien n’est laissé au hasard, et l’équilibre est absolument parfait entre impact et protection.
Le groupe est un esthète du bel ouvrage sonore. Ne cherchez pas midi à quatorze heures, nous sommes dans un environnement 5.0 (voire plus). Le disque a été enregistré sur du matériel high-tech. Mais qui dit haute technologie ne dit pas froid, aseptisé. Ici, Instittut proposant, par son mix, par ses choix, une musique incroyablement incandescente, réchauffant les petits matins glaciaux par des trouvailles d’arrangements d’une simplicité optimale et payante. Nous sommes donc à mi-chemin entre la chaleur émanant de certaines productions des années 70 et la rigueur de certains beat très 21é siècle. Le mélange fonctionne parfaitement tant tout est huilé dans le bon sens de l’engrenage.
Subtil et conscient
Les voix, nues, ou très peu retravaillées, sont absolument en phase avec ce grand tout. Déclamatives, spoken word parfois, chantées avec une légèreté insistant là où ça fait mal, décrivant une société ayant changé de paradigme, exprimant la « beauté » de l’amour façon Tinder, l’esthétisme des calandres de Kadjar, la dématérialisation/distanciation sociale prônée par la pandémie, mais toujours cet embrasement interne lié à la passion. Sans pour autant être dans une forme de jugement proposant une alternative, Institut se place en observateur objectif, tout en étant poète, d’une humanité en évolution.
D’ailleurs, cette poésie s’apparente, à nos yeux, à ce que l’humanité ne perdra jamais (contrairement à cette idée de contact physique qui semble parfois avoir disparu au profit de biens de consommation).
Cet album est parfaitement en phase avec son époque, mais nous ne doutons pas un instant qu’il traversera les époques, justement grâce à cette poésie qui fera toujours le lien entre passé et temps futurs. Il convient de dire également que ce disque est plus onirique que la période que nous traversons et que, malgré tout il dégage une forme d’optimisme latent, comme une foi jamais honteuse dans les êtres humains (le très triste et beau Comme un coach en éveil de conscience en étant la preuve et le point final) . Grand disque.
LE titre de L’effet waouh des zones côtières.
Des échanges vraiment cul, parce qu’Institut nous y parle de notre idole Jaïr Bolsonaro. Non on déconne. Enfin si, l’un des personnages principaux est cet homme, qui n’est pas du tout notre idole. Axé autour d’une relation sexuelle un peu folle (normal, elle est rêvée), évocatrice des modifications de la sexualité au fil des ans, un lieu de perdition ou le couple explose au profit des relations à plusieurs, ou l’amour n’est plus qu’une quête sans fin de plaisirs charnels, drivés par Tinder, cette chanson synthétise en moins de 3 minutes ce qu’est devenue notre vie (mélange de replis sur soi, de course au cul, d’apparence et de plaisir immédiat).
Et puis, en plaçant étrangement Bolsonaro dans un contexte sensuel, Institut nous apparaît comme provocateur, mais également poétique à souhait, même si, au final, le contexte nous fait peu rêver. Mais, une fois de plus, Des échanges vraiment cul pointe du doigt tout ces fameux codes qui sont aujourd’hui devenus une forme de norme, que nous l’acception ou pas.
Revoir la vidéo de Un instant de plénitude
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