HANDY CURSE, Humdrum, pop-folk raffinée
Debut album à paraître chez Safe in the rain records demain.
« Un peu comme du champagne » sont les premiers mots qui nous viennent à l’esprit pour qualifier la musique de Handy Curse. Comme cette boisson, la pop-folk du musicien (Samuel Roux de son vrai nom) est raffinée, dégage une idée d’élégance, mais également un côté pétillant qui parfois fait défaut au genre. Humdrum parvient à nous éveiller sans gros effets mais avec un art de la composition et des arrangements maîtrisés sur le bout du doigt.
Forcément, qui dit pop-folk dit acoustique, dit également guitare folk (cordes en acier), voire classique (cordes en nylon), basse idem, mais bon électrifiée quand même, batterie légère. À cette base sans réelle surprise, Handy Curse y ajoute de l’orgue, des cordes, du piano, un peu de flûte aussi, et nous offre un univers doux, coloré qui, loin de nous enfermer dans une bulle prison, nous offre une vision à 360° de sa musique.
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Bulle flottante, en lévitation.
Eh oui, avec Humdrum nous flottons dans une bulle légère comme l’air, aux parois transparentes nous permettant de mieux percevoir la pop-folk sous des éclairages nouveaux. Celle de Handy Curse est tout de suite accueillante, la production aidant à nous y sentir comme dans un fauteuil moelleux, duquel nous n’avons aucune envie de nous extirper. Il y a fait bon, nous y sommes maintenus sans fermeté, mais au contraire avec douceur. Les sonorités y sont chaudes, mettant les graves légèrement en avant, les tons clairs étant arrondis comme pour permettre d’éviter les arêtes vives. Seule la voix possède des aigus un peu plus vifs, pour sonner au plus vrai de celle-ci.
Pourtant, comme la musique, elle est chaleureuse, cette voix. Elle nous met en confiance, nous met à l’aise, nous indique que tout va bien, qu’il faut juste laisser tomber les barricades et se laisser aller à la flânerie de l’âme. Comme un guide, elle nous entraîne dans des compositions qui nous bercent, nous cajolent et nous font rêver, rien que ça. Parce que tout est ici aérien, comme une de ses fameuses bulles que nous évoquons depuis le début de la chronique.
L’album s’écoute donc dans un état de parfaite sérénité. Bien-être et volupté s’invitent à la fête pour nous permettre de savourer au mieux l’univers du musicien ayant déjà fait évoluer ses talents auprès des Bootchy Temple, Jaromil Sabor et 39th & The Nortons.
Son premier album en solo.
Humdrum est son premier album en solo sous le nom de Handy curse. Seul aux manettes, mais épaulé à la production par Paul Trigoulet, il expose, avec une certaine forme de pudeur, une large partie de sa palette. Qu’il s’agisse de composition pure, d’arrangements, de travail sur les sonorités globales de ses musiques, tout dégage ce parfum d’intime enfin dévoilé au plus grand nombre. Quelques noms nous viennent à l’esprit, parmi lesquels Kevin Morby par exemple, ou un peu aussi Syd Matters. Et pourtant, même si la pop-folk possède une tendance à sonner toujours un peu pareille, Handy Curse réussit à varier les plaisirs et à rester original dans sa proposition, gageure difficile étant donné qu’il parvient également à respecter les codes inhérents au genre.
Si la base est majoritairement acoustique, l’artiste appose avec parcimonie des touches de guitare électrique (sur Fatum par exemple), quelques petits effets à la limite de l’électro (Intoxicated, Jocker smile) qui apportent de nouvelles couleurs à la toile devant nous dévoilée. Malgré ses arrangements inventifs, ses propositions artistiques exigeantes, la spontanéité reste de rigueur, tout comme l’accessibilité à l’ensemble du disque. Nous restons dans le cadre d’une musique populaire, certainement bien plus riche que beaucoup de ses contemporains, mais n’étant jamais prétentieuse et ne voyant jamais au rabais ses exigences.
Un onirisme proche du psychédélisme.
Nous retrouvons, en milieu d’album (soit en fin de face A et début de face B) des éléments plus proches de la pop psychédélique telle que pratiquée par Syd Barrett. Lignes mélodiques « évidentes », esprit légèrement flottant, légers échos, une dimension un peu plus spatiale des compositions, tout s’imbrique pourtant à merveille avec les premiers titres plus ouvertement folk. Comme un pivot, cette partie permet à l’album de dévier vers une pop plus classique sur la fin de l’album. Mais qui dit plus classique ne veut pas dire au rabais. Le charme est au rendez-vous, notamment parce que les compositions dégagent dès lors une nostalgie légèrement mélancolique.
À noter toutefois un morceau qui détone des autres par son caractère d’apparence beaucoup plus enjoué, The man, the male & the mad. Plus enlevé, presque euphorique, il montre que Handy Curse sait aussi faire dans le morceau d’obédience plus festive (d’apparence, car une mélancolie affleure du chant par moments). Il saute littéralement aux oreilles avec son caractère country assumé. Peut-être est-ce là une piste qu’explorera à l’avenir le musicien ? Il est trop tôt pour le dire, néanmoins ce que nous pouvons affirmer, c’est que cet album est grisant, comme quelques coupes de champagne pleines de bulles qui font tourner la tête.
LE titre de Humdrum.
Nous avons une grosse tendresse pour Fatum. Pour les raisons évoquées plus haut dans la chronique, mais également parce que les quelques choeurs présents sur le titre lui donnent aussi une ampleur insoupçonnée. Millimétrés, comme l’ensemble des effets mis en place sur le morceau, ils montrent que Handy Curse peut aussi proposer des morceaux d’un autre temps, tout en restant d’une parfaite pertinence. Les parties de guitares, électrifiées, nous ramène dans les sixties et dans un swinging London fantasmés à l’envi, mais possédant un charme de ouf ! Les descentes de gammes nous électrisent, la voix est géniale, totalement à l’aise dans ce registre comme sur les ballades folk. Bref, coup de cœur pour le titre !