HAND HABITS, Fun house (Saddle Creek/Big wax)
Troisième album disponible aujourd’hui.
La pandémie a marqué les esprits, en France comme à l’étranger. Comme pour tant d’autres artistes, Hand Habits, projet solo de Meg Duffy, en est une résultante. En effet, cet.te hyperactive s’est trouvé.e esseulé.e lors du premier confinement, face à tout ce qu’elle rangeait dans la petite boîte noire de son intimité. Pas d’autre choix, face à soi-même que de l’ouvrir, de s’y plonger, et de ressortir la moelle épinière qui constitue ici la matière première de ce nouvel album, Fun house.
En se plongeant dans son passé, Hand Habits fait ressortir pas mal de ses peines, tourments, fragilités. Paradoxalement, elle place dans cet album énormément d’elle-même, vide son sac, car ce geste introspectif lui a permis d’accepter qui elle est depuis toujours. Fun house, en ce sens, lui permet d’aboutir à un épanouissement artistique. Le disque, son plus intime à ce jour, est en ce sens une pure réussite.
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Pop raffinée.
Faisant suite à Placeholder, album plus feutré, Fun house s’avère plus luxuriant, osant les approches presque symphoniques (The answer en étant un parfait exemple). Il y a, dans chacune des compositions de l’album, une idée de volume déployé, d’un sentiment épique jamais grandiloquent mais qui au contraire renvoie à l’intime, à ses bouleversements, à ses emballements. Ainsi, même si sa gestation put être par moments douloureuse, aucune noirceur ne vient assombrir le tableau de 11 titres de l’artiste.
Au contraire, c’est une sensation de lumière diffuse, celle de l’aube, qui envahisse le disque. L’aube, ce moment où le jour recommence, comme métaphore d’une vie qui redémarre, en quelque sorte, allégée du poids de cette fameuse boite noire que Meg Duffy n’osait vider de sa substance. Allégé de ce poids, celui du passé qu’elle ne cessait de ressasser sans pour autant remonter consciemment vers les causes d’un certain mal-être, elle peut aller au fond des choses et exprimer pleinement sa psyché, ce que renferme son âme.
Une dimension universelle.
Se dégage dès lors de Fun House une dimension universelle à laquelle tous peuvent s’identifier, même si tous n’y seront pas sensibles de façon similaire. Ce qui mettra en revanche tout le monde d’accord, c’est le travail effectué sur les compositions, sur les arrangements en particulier qui sont de toute beauté, aidé en cela par une production accueillante.
Les démos de l’album étaient orientées vers une folk plutôt lente, c’est pourtant un album de pop qui joue les contrastes rythmiques qui ressort au final. Ballade intimiste (Control) ou pop/folk lumineuse (Clean Air), exploration aux abords du rock (Gold rust) et éléments presque expérimentaux (The answer), Meg Duffy montre une palette variée permettant une expression totalement libre et assumée.
Les émotions s’en trouvent alors perturbées, passant d’un spectre à l’autre. Joie/tristesse légère ou passagère, apaisement et une forme de colère légère également se font ressentir, avec tact et à propos. Aucune lassitude ne survient, d’autant plus que la tracklist oriente sensiblement le disque vers un concept album (ce qu’il n’est au final pas, même si sa cohérence tend à la croire).
Un changement de cap dans la continuité.
Malgré cette prise de conscience interne, l’ayant amenée à changer sa manière de penser, de composer, Hand Habits continue malgré tout à explorer son art dans une certaine idée de continuité. Cela, loin de l’affaiblir, lui confère une force supplémentaire, comme si l’émancipation qui est la sienne permettait à sa musique d’en sortir grandie, tout en liant les productions passées à celles à venir.
L’avenir de Hand Habits et de Meg Duffy promet d’être riche et productif, si elle n’oublie pas aussi de penser à elle en s’abandonnant dans ses collaborations. Cet album, marquant peut-être un tournant dans sa manière de concevoir sa musique, soit une maturité nouvelle, s’affirme donc comme un appui solide sur lequel construire la suite de son parcours musical, en plus d’être un objet musical somptueux et très bien réalisé. La suite ne s’en révélera que plus excitante et prometteuse.
LE titre de Fun house.
No difference nous fait la plus forte impression. Commençant directement sans réelle introduction, la ligne de chant impose l’ambiance. Celle-ci sera douce, profonde. Renforcé par un superbe travail sur les chœurs, la mélodie s’infiltre en nous, fait résonner la corde sensible sans gros effet. En grosse partie acoustique, le titre joue des harmonies pour nous transporter dans un univers qu’auraient pu emprunter les Beach boys, toujours avides de la belle mélodie.
Ce qui nous touche aussi, c’est cette impression de mise à nu totale de Meg Duffy dont la voix nous déchire parfois le cœur. Il y a de la ferveur, une expression directe de son moi, qu’elle nous offre avec pudeur et délicatesse. Cela nous touche d’autant plus que ce morceau joue la carte de la brièveté en n’atteignant pas la barre des 3 minutes. Quand tout est dit de façon si habile, nous ne pouvons que craquer. Magnifique.