[ ALBUM ] GAUTHIER TOUX, For a word

For a word, nouvel album de Gauthier Toux, déjà disponible.

Voici ce que nous pourrions appeler un disque boomerang. Pourquoi ? On a beau le retirer de la platine lorsque arrive la saturation, à force d’écoutes à répétition,  que quelques jours plus tard il y reprend place. Il faut dire que For a word, de Gauthier Toux, possède de sérieux arguments qui le rendent indispensable.

Jazz.

Gauthier Toux est un jazzman. Un pianiste pour être plus précis. Il tient, dans For a word, les manettes d’un piano Rhodes Prophet. Voici pour la description rapide concernant ce franco-suisse, âgé de 27 ans, et déjà géniteur de deux précédents albums, en formule trio. Pour For a word, Gauthier Toux s’acoquine au quartet ( +1 sur les titres Talk to me et A thought instead of a strenght puisque Émilie Parisien intervient au saxophone), en compagnie de Lea Maria Fries (voix), Julien Herné (Basse) et Valentin Liechti (batterie). Résultat : un univers foisonnant et étonnant.

Le jazz est très souvent étonnant, nous vous le concédons. Ici, il prend une dimension diablement sexy, puisqu’il dérive vers la pop, le rock, l’expérimentation (presque éléctro) pure et dure, tout en côtoyant un jazz plus classique (mais excitant par ailleurs). Articulées autour du piano, les autres instrumentistes déploient leurs talents pour un album riche d’inspirations et de références.

Métissage.

Nous apprécions le jazz quand il part dans des directions folles, qu’il ose s’accoupler à d’autres styles, que l’on ressente ses aspects « traditionnels » dans une modernité de ton. For a word est l’exacte synthèse de ceci, synthèse qui dit en substance que For a world est autant à conseiller aux fans de jazz qu’aux amoureux de musiques actuelles (options pop). Cette variété de tons et de tessitures provient du fait que, si les quatre instrumentistes sont issus du jazz, ils évoluent également dans d’autres groupes et univers musicaux.

Ainsi, l’entame, For a world, du nom de l’album, nous place d’entrée dans un univers à la frontière de l’électro. Son successeur, Talk to me, vogue plutôt sur une forme de pop (même si l’aspect jazz est très présent), tandis que Prinzess s’habille d’une électro-pop étrangement déstructurée, chantée en partie en Allemand (pour un effet des plus réussis). Thinking of a cloudy ground part I est quant à lui orienté vers un jazz vocal, plus classique dans sa forme, de toute beauté. Ces quatre premiers titres vous donnent un aperçu relativement proche du foisonnement artistique des quatre musiciens et de la teneur générale de l’album.

Homogène ?

La question qui se pose alors est la suivante : cet album est-il homogène ou bien une simple juxtaposition de titres hétéroclites ? Contre toute attente, malgré la variété de tempo, d’ambiances, For a world est incroyablement dense et homogène. Plusieurs explications à cela : tout d’abord la production maintient le tout dans une tonalité globale aisément identifiable et transmise à chaque morceau,  puis la voix de Lea Maria Fries lie les morceaux entre eux. Par son timbre et par son talent de conteuse, que l’on retrouve en filigrane tout au long de l’album, elle dégage une force cohérente malgré une apparente fragilité. Rock sur Prinzess, aérienne sur Thinking of a cloudy ground, pop sur Sens of complication, sa variété (d’intonation, d’engagement) pourtant ne se désolidarise jamais de l’esprit jazz et maintient l’album dans sa cohérence.

Enfin, l’un des autre élément important est, bien évidemment, le piano de Gauthier Toux. Qu’il soit acoustique ou électrique, ses motifs colorent l’album en faisant ressortir son essence à la fois douce, fougueuse, mélancolique et euphorique. Fil conducteur de la pensée du musicien, il donne une impression de légèreté à ce disque, même si cette légèreté jazz (avec ses embardées dangereusement addictives mais pas forcément du goût des aficionados de la pop ou du rock) peut parfois s’avérer très dissonante (sur Prinzess notamment). Nous, on adhère, et on en redemande.

Des musiciens soudés.

D’ailleurs, sur ces morceaux plus expérimentaux, nous apprécions que les musiciens soient tous soudés dans ce disque collectif. Chacun y va de sa « touche », autant vocalement qu’avec un scat habité (sur Thinking of a cloudy ground par II), ou une basse trafiquée par différents effets. La batterie, toujours parfaite, assoit la rythmique et évite les sorties de route intempestives. Bref, un cadre rigoureux dans lequel les instrumentistes s’en donnent à coeur joie !

Qu’ajouter à cela si ce n’est que Gauthier Toux parvient à marier, avec élégance et inventivité, codes du jazz et exploration proche de l’électro. Il pourrait donc aussi bien plaire aux deux factions, mais sa palette variée et étendue pourrait tout aussi bien plaire aux rockeurs ou autres amoureux de musiques actuelles. Pour nous, cet album singulier est une révélation de ce talent du jazz !

LE titre de For a word.

Si Prinzess nous plaît beaucoup par son côté bordélique qui bouscule nos certitudes, nous adorons les deux parties de Thinking of a cloudy ground. Peut-être plus « sage » que les autres morceaux de l’album, ils sont aussi, à notre avis, deux ruptures permettant de reprendre pied sur un terrain plus connu. Ainsi, ils reposent un peu nos sens, tout en proposant leur lot de surprise.

Le thème au piano y est aérien, la voix magnifique, et le titre nous réchauffe le corps et l’âme, simplement, sans surjouer l’émotion, sans l’amoindrir non plus. Le juste dosage en somme, pour un album exigeant mais aux secrets de fabrication envoûtants.

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Site officiel Gauthier Toux

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