[ ALBUM ] GARAGE BLONDE, Rage nue, poésie électrifiée.

Premier album de Garage blonde, Rage nue (disponible chez La Discrète Music).

Nous parlons souvent de la poésie dégagée par des morceaux de musique, mais peu sont de la véritable poésie. Il s’agit en effet plus d’une impression de poésie dégagée de façon conjointe par la musique et les paroles, voire parfois que de l’un de ses deux aspects. Avec Rage nue, son premier album, Garage Blonde produit une musique reposant sur de la vraie poésie. Si les résultats sont souvent aléatoires dans ce type de procédé, Rage nue atteint ici des sommets.

La plume de Jean Palomba.

Le duo Garage blonde, composé de Mathilde Mérigot et Nicolas Baillard, s’appuie donc sur la plume de Jean Palomba. Cette plume est vive, alerte, ose l’expérimentation mais aussi sait amoindrir ses contours pour se faire plus séduisante. L’impression qu’elle dégage reste diffuse, comme si, plutôt que d’être exprimée par des mots, elle l’était par des envies. Envies de fuite, envie de désordre, envie de sérénité, envie de mort.

La densité ici impressionne. Les textes sont mis en avant de façon convaincante par Mathilde qui semble jouer sa vie, de la même façon que nous sentons la plume viscérale. En résulte alors une force incandescente, parfois presque irrespirable, notamment lorsque la musique s’accorde sur cet ensemble voix/texte trempé dans un sentiment d’urgence, d’inéluctable.

La musique.

Difficile de ne pas entendre dans Rage nue des références qui nous sont presque devenus des incontournables. Il y a dans la musique de Garage Blonde comme une espèce d’évidence, qui n’en est pas forcément une à l’entame du disque. Celle-ci va chercher du côté du rock indépendant américain, du grunge aussi. On pense Sonic Youth quand les déflagrations se font oppressantes, déchire par l’électricité distordue les tréfonds de nos âmes, mais également à Nirvana (qui citait Sonic Youth comme une référence rappelons-le) par le côté inéluctable d’une basse apocalyptique.

Les moments plus éthérés évoquent parfois PJ Harvey, si toutefois PV Harvey n’est pas trop vénère, ou bien encore Portishead. Parce que oui, si la musique est très virile, la voix, elle, est féminine, ce qui ne l’empêche pas d’être virile, à sa manière, lors de représailles vocales transcendantes déchirant la quiétude de textes au cordeau. Autrement dit, quand Mathilde laisse la fureur de la musique la gagner, amplifier par la poésie des textes, sa voix devient une lance à même de transpercer tout blindage, tant par l’émotion qu’elle véhicule que par sa fureur.

Un mariage réussit.

Si dans le cas de Rage nue la mise en musique de la poésie des textes fonctionne si bien, c’est avant tout pas le parti pris artistique du groupe. En effet, le contraste « beauté de la langue » / rugosité de la musique donne à découvrir l’un et l’autre différemment. La production est ici rêche, dépourvue d’artifices séducteurs, minimaliste jusqu’à l’os. Nous avons l’impression de nous écorcher les tympans tandis que le baume des mots viendrait les soigner.

Nous sentons la rue, quelque chose d’urbain, presque violent dans la musique, quelque chose de plus aérien dans les paroles. Cet effet, loin d’atténuer les effets, les magnifie au contraire. Nous n’avons plus qu’à nous installer confortablement dans notre fauteuil, d’écouter mille et une fois les paroles pour en décrypter les hiéroglyphes symboliques qui nous échappent à la première écoute, et nous laisser guider dans cet univers de fureur poétique, ou de poésie furieuse, comme bon vous semble.

LE titre de Rage nue.

Tout amateur de rock que nous soyons, nous aurions pu choisir Tsar comme titre phare de Rage nue avec ce côté expérimentale conjoint texte/musique. Sonic Youth est ici ultra présent, par larsens interposés. Pourtant, le titre qui a notre préférence reste La fièvre. La ligne de basse nous tétanise, la voix nous hante, notamment sur les « refrains » où elle s’envole comme pour mieux nous percer à jour, nous faire redescendre sur Terre et nous mettre les yeux en face des trous.

L’émotion dégagée par Mathilde est dirigée par un sentiment de l’ordre de la survie. La basse de Nicolas se fait signal de danger, les guitares attisant le feu et le texte de Jean Palomba écrin pour titiller l’indicible vérité de l’âme. La force déployée ici laisse K.O, et c’est tout ce que nous pouvons espérer d’un groupe de musique.

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