FINGERS AND CREAM, Healing waters (disponible chez La ruche.le label)
Solaire.
Dès les premières mesures de Blue rain, l’effet est immédiat. Fingers and cream et son nouvel album, Healing waters, va nous faire du bien. Blue rain ouvre la danse avec un morceau folk, guitare sèche et harmonica, une voix qui nous rappelle les belles heures d’un Syd Barrett, c’est-à-dire qui dégage ce magnétisme charismatique que seul certains possèdent.
Cette voix, fil rouge de l’album, ne cesse de nous faire du gringue, de l’oeil, du pied, et surtout de véhiculer une émotion véritable, en se moquant parfaitement de tout ce qui peut se passer autour. Nous y sentons une parfaite osmose entre texte et expression, qui reste personnelle d’un bout à l’autre du disque, de ses inflexions, ses accentuations, ou de son timbre qui font que ce disque ne ressemble à aucun autre.
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Formule connue mais…
Pourtant, la formule est connue, et Fingers and cream (en fait Iolo Gurrey qui signe textes et musiques) ne révolutionne rien sur le fond. Cela n’a aucune importance, et les férus d’expérimentation tous azimuts, ou d’originalité poussée à son paroxysme, que nous sommes n’y trouvent absolument rien à redire. Pourquoi ? Simplement parce que Fingers and cream possède LE feu ardent de la passion, à la fois pour le blues des anciens et pour la pop des aînés, et ce même si le disque reste dans un emballage folk.
Healing waters nous happe par son évidence mélodique, par l’instantanéité qui se dégage des morceaux. Tout de suite, nous succombons aux charmes de ses chansons épurées, à la production minimaliste mais qui dégage un maximum de chaleur, à ses arpèges liquides, à cette foi proche du recueillement qui nous saisie en plein cœur (sur un titre comme Stand up in Ohio).
Parce que Iolo Gurrey dégage une pudeur qui fait du bien, une sorte de conscience que ce n’est pas en baissant son froc qu’il parviendra à émouvoir les gens. Non, tout transparaît de cette musique à la fois sans âge et à la fois moderne, de l’ardeur discrète qu’il propose en mettant son coeur sur la table de sa guitare, sur les lignes qu’il a couchées sur papier avant de les chanter.
Homogène.
L’atmosphère qui règne sur le disque est celle d’une soirée passée au coin du feu, d’une soirée où le chanteur raconte, par le menu, ces histoires de vie, ses rencontres, ses voyages (autant intimes que physiques). Comme le suggère la très belle pochette de l’album (Perrine Prieur), le propos est ici celui d’un homme seul, qui trace sa route, cowboy solitaire et solaire, la tête dans les étoiles, les pieds sur terre.
Chaque titre se suit et se ressemble sans se ressembler. La patte est la même, c’est un fait indéniable, mais chaque titre possède sa petite spécificité rien qu’à lui. L’harmonica est hyper présent sur Blue Rain, revient sur Colorblind, mais s’efface totalement sur la suite, la guitare folk se fait remplacer par quelques arpèges électriques par la suite, les overdubs de voix donnent l’impression d’un chant groupé, balancent un dynamisme tranquille qui fait du bien. Quelques « percus », genre homme-orchestre, rehaussent le tout d’un beat épuré, mais qui cogne comme un cœur épris de liberté (et de DIY).
Plus que charmant.
Il y a un parfum de vérité qui transcende cet album. Si l’ensemble reste plutôt orienté sur un sentiment optimiste, quelques pointes de légère mélancolie surviennent par-ci par-là (sur Empty Thoughts par exemple), sans que cela ne soit pour autant plombant. Cette gravité, passagère, sert d’articulation au disque, comme de base de lancement, ou plutôt comme si Fingers and cream se débarrassait d’un peu de leste, pour retrouver de l’altitude.
Si la joie encadre l’ensemble du disque, avec notamment un dernier morceau, The river you crossed last night, plus guilleret (et légèrement surf rock), nous faisant penser à des groupes « festifs » du genre I’m from Barcelona, le propos reste nuancé, un peu à l’image de la vie, qui alterne passages légers et autres un peu plus sombres. Cela ne rend le disque que plus réaliste, concret, à l’image de qui nous sommes.
Avec cet album de 7 titre, Fingers and cream nous touche en plein cœur, avec une délicatesse foudroyante. Pas de gros effets, mais une succession de « petits riens » qui magnifient des compositions souvent minimalistes, taillées au plus près de l’âme de leur compositeur et interprète. Ce disque, c’est un peu ce soleil qui nous réchauffe les os et le cœur, juste après la pluie. Fin et subtil, et fortement recommandé.
LE titre de Healing waters.
Nous, on adore I try not. Ce morceau nous fait un effet terrible, simplement composé d’une guitare électrique (arpège aérien), de nappes d’orgue et de choeurs élégiaques. Il dégage une piété vibrante, expose une introspection qui ne demandait qu’à sortir, nous touche par la vulnérabilité qui émane du chant, et de la mise à nu qui va autour. Aussi simple (enfin qui le paraît) qu’efficace, ce morceau, en milieu d’album, nous émeut aux larmes. Magnifique.