CVANTEZ, A smile to reset, lofi comme aux states.
Nouvel album de Cvantez, déjà disponible.
Les premières notes d’un disque sont des couperets. En à peine 30 secondes, nous cernons si le groupe est dans notre ligne éditoriale, en moins d’une minute, on sait s’il est bon ou s’il vaut la peine d’une véritable écoute, en moins d’une chanson, nous savons si une chronique sera produite, ou pas. Bon, cela ne fonctionne pas à tous les coups, des exceptions demeurent, mais dans le cas de Cvantez et de son A smile to reset, nous avons été très vite fixé. Avant même la fin du premier titre. Avant même d’écouter le deuxième, nous avions presque pris la plume pour rédiger notre bafouille. Et donc, voici la chronique (mais on vous rassure, on a pris le temps de tout écouter, et plus d’une fois).
Le truc qui a fait mouche ici, c’est ce côté étrangement américain, très Pavement dans l’âme. Vous savez, Pavement, ce groupe qui semblait toujours à deux doigts de basculer dans le faux, qui flirtait avec l’approximatif, mais qui au final développait des mélodies géniales (le terme n’est pas exagéré) et une énergie très particulière à ses morceaux. Eh bien nous retrouvons un peu de cette essence sur A smile to reset qui peut paraître bancal par moments mais qui est d’une telle cohérence que nous nous disons que tout cela est évidemment fait exprès.
Wonder love.
Et tout commence dès Wonder love. Une base qui nous électrise par un petit riff de guitare limpide, une rythmique dont on sent qu’elle peut nous emmener très loin, par des choeurs extrêmement intrigants, par un chant lead (Frédéric Oscar ) dont le timbre nous évoque un autre acteur majeur de la scène indé américaine (autre que le fameux Stephen Malkmus de Pavement) à savoir Mark Oliver Everett (autrement dit E. de Eels). Petit frisson d’extase pieuse, on se dit que ce groupe-là, il a déjà pigé pas mal de choses au rock.
Nous en avons confirmation dès le deuxième titre, The party, à la voix féminine en lead, celle d’Eloïse Dandoy. Avec un aspect presque blasé, une prononciation parfois exagérée, elle déclenche elle aussi ce petit truc sexy, en moins rauque tout de même, qui nous fait nous dire que décidément, y a de l’idée, et que celle-ci est menée à son terme de façon plus que probante.
Les compositions s’enchainent donc, alternant voix féminine et masculine au chant, toujours avec cette même réussite mélodique, avec ce même impact sur les morceaux, à savoir une évocation à la fois rock, aux abords du grunge, de l’indiepop également, et de ce qu’était l’esprit américain durant les 90’s, tout en restant presque murmuré à nos oreilles. On y voit aussi le spectre des Pixies, preuve d’un sans-faute quasi indéniable dans les références.
Mélodies.
Tout, sur A smile to reset réside dans un subtil équilibre entre instantanéité des mélodies et un côté un peu plus âpre, parfois répétitif. Les mélodies s’incrustent sans forcer dans notre esprit, tandis que le côté un peu plus âpre nous poursuit par ses rythmiques venimeuses. Rock, l’album l’est assurément, mais pas forcément de la façon dont on l’attend de prime abord. Pas de grosses guitares qui viendraient dégueuler des solos baveux, mais au contraire une espèce d’unité un peu ramassée sur elle-même qui nous rendrait complétement dépendants.
Parce qu’il y a des évidences qui ne trompent pas, des fulgurances dont on se doit de tenir compte. Les guitares s’entremêlent, portées toujours par des rythmiques simples, efficaces, avec des percussions leur conférant parfois un petit côté tribal pas dégueulasse. Ce rythme possède une aura démoniaque, parfaitement mise en avant par un traitement sonore adéquat.
Celui-ci se traduit d’une part par un mix qui met presque tout sur le même plan, quitte à ce que des fois les voix perdent un peu de leur clarté, qu’elles se noient un peu dans les instruments. Mais cela rend paradoxalement tous les effets parfaitement audibles. Rien ne nous est caché, sans pour autant que tout ne soit découvert à la première écoute. L’art de Cvantez réside également dans ce fait, celui de dégager à chaque nouvelle écoute un petit parfum d’inédit.
Pas de refrain.
Les constructions de chaque composition ressemblent à du chewing gum qu’on aurait collé sous la semelle de nos Converses. Il s’étire avec une nonchalance géniale, semble donner l’impression que les titres ne possèdent pas de refrain, pas de structure classique, même si c’est plus ou moins le cas (certains titres nous donnant la sensation de s’acoquiner avec le rock progressif). La relative « platitude » des morceaux, qui justement n’amplifient pas leur musique sur le refrain, contribue à nous laisser dans une sorte d’état « envapé », proche d’un étourdissement, d’un engourdissement des sens. Nous nous trouvons donc ballottés dans l’univers de Cvantez comme si nous étions en état d’ébriété.
L’effet n’est pas désagréable, bien au contraire. Si notre attention part un peu dans toutes les directions lors des premières écoutes, elle se fait plus aiguë par la suite. Comme si les premières fois débroussaillaient le terrain et que celles qui suivent servaient aux finitions. Ce qui fait que A smile to reset ne nous lâche jamais. Au contraire, l’album agit comme un aimant qui nous attire inexorablement à lui sans que nous ne puissions résister.
Superbement enregistré, d’esprit lofi mais avec un enregistrement de belle qualité, ce nouveau disque de Cvantez n’en finit pas de nous séduire et de nous surprendre. Et puis nous rappelle à nos belles heures du rock indé américain.
LE titre de A smile to reset.
On aime beaucoup Hey Lino, sans doute aussi parce qu’il s’enchaine à merveille avec Post passion. Mais on l’aime surtout pour ces lignes de chant qui forent notre cortex pour s’y ficher et y rester un long moment. C’est la voix féminine qui y est à l’honneur et y est parfaitement parfaite, toujours avec ce petit aspect nonchalant qui appuie sur chaque syllabe comme si toutes avaient la même importance. Et puis la mélodie nous entraine dans sa spirale mid tempo elle aussi incroyablement attractive. Situé dans ce qui s’apparente souvent au ventre mou des albums, Hey Lino reboost l’album jusqu’à son terme.
Et puis, pas de temps mort avant d’enchainer sur Post passion, morceau évolutif presque progressif, à la voix masculine lead, qui nous évoque Pavement à plein pot. Deux morceaux qui nous électrisent comme c’est pas permis, qui sont aussi parmi les plus longs de l’album (respectivement 6’05 et 5’32). Bref, on adore !