[ ALBUM ] BÄRLIN, The dust of our dreams
The dust of our dreams, troisième album de Bärlin (sortie numérique le 27/03. Pas de date de sortie physique confirmée à l’heure actuelle).
Après un premier extrait envoûtant (à relire ICI), Bärlin arrive ce 27 mars avec un album complètement inclassable, The Dust of our dreams. Cet album, première partie d’un diptyque, nous embarque dans un univers de polar, aux atmosphères à la fois étouffantes et lumineuses. Le mariage est détonant, des plus séduisants, et nous démontre que le noir peut briller de mille feux.
Une voix.
Bärlin, c’est entre autres une voix, venue d’outre-tombe. Une voix qui nourrit un feu sacré. Elle se situe au confluent de Nick Cave et de David Bowie, dans un entre-deux où elle s’immisce pour pénétrer nos os, nos veines. Parfois à la limite d’un chant lyrique, elle transperce l’obscurité pour faire fondre sur nous sa mélancolie et son espoir. Car elle est paradoxale, cette voix, dans les sentiments qu’elle génère.
Sa puissance n’est pas à démontrer. Nous sentons qu’un tigre ronronne dans le moteur. Mais justement, parce qu’il ronronne, nous sentons, dans ce timbre particulier, de la douceur. Quelque chose qui nous couve, nous entoure, nous rassure, tout en restant suffisamment surprenant pour que nous ne sombrions pas dans une écoute passive. Cette voix véhicule des pans de vie, simplement, sans en faire des tonnes.
Musicalité.
Mais cette voix sait s’accompagner de chœurs quand il le faut. Ils jouent le contre-point « aigu », comme pour apporter une touche d’oxygène dans un univers sonore dense et original. Cette densité aurait presque à voir avec celle du metal. Parce que concrète, sourde, viscérale, pesante parfois, semblable à un rouleau compresseur que rien ne pourrait venir arrêter. Mais ce n’est pas du metal. Il s’agit simplement d’une forme de rock, parfois teinté d’un univers cabaret. Un rock sous tension permanente, comme en équilibre sur une corde qui menacerait de rompre et de nous entraîner dans un précipice dont nous ne pourrions ressortir indemnes.
La musique de Bärlin repose sur des tonalités relativement sombres, sur des nappes visqueuses dans lesquelles nous nous embourbons parfois. Le groupe, lui, s’en sert de tremplin à émotions, car tout part de là, de la fange, y compris les éclaircies. Elles sont portées par une basse « ventrale », qui se loge au creux de l’estomac, remue les viscères, mais pas de façon foutraque, non, tout doucement, comme si elles étaient elles-mêmes les cordes de l’instrument que l’on caresse pour en extirper une vérité première, indicible. La batterie l’épaule fièrement, inventive, légère. Les deux entités se complètent, se motivent mutuellement, imposent l’ambiance, donne corps aux compositions, hypers soignées, du groupe.
Les guitares, la clarinette.
Les guitares (qui sont en fait… de la basse) ne sont pas en reste, jouant plutôt les rythmiques que les solos. Électriques, elles n’en restent pas moins plutôt aériennes et douces. Elles prennent parfois les devants, explorent des sentiments proches de la colère, mais de cette colère qui combat la fatalité, la résignation. Elles sont fières, dissipent souvent l’orage qui nous hante, crèvent le nuage d’oppression que nous avons tous ressenti à un moment ou à un autre de notre vie. Les distorsions sont dosées avec habileté, répandent le souffre comme le vent qui en chasse le parfum putride.
Mais la lumière vient véritablement d’un instrument que nous n’aurions pas imaginé aussi présent dans un univers rock, à savoir la clarinette. Totalement atypique dans les musiques dites actuelles, elle apporte ici une couleur inédite, totalement en opposition avec la densité que nous évoquions plus haut. Elle est le symbole même de la légèreté, elle gonfle le cœur d’un sentiment proche de l’exaltation (même si sa tonalité évoque parfois celle d’une plainte lancinante). Ses sonorités éclairent la route du groupe, lui apportent cette dimension supplémentaire, celle des groupes complètement à part.
Unique.
Bärlin est effectivement un groupe à part et le prouve admirablement avec The dust of our dreams. Ses partis pris artistiques le démarquent ostensiblement de la masse. Une voix hors norme, une musique qui aurait pu tomber dans la facilité metal mais qui, contre toute attente propose un rock immersif viscéral, et un instrument atypique pour compléter la donne, conduisent Bärlin sur une route originale des plus palpitantes à suivre.
LE titre de The dust of our dreams.
Ce n’est pas parce qu’il est le premier titre de l’album que nous avons un frisson tout particulier pour Pagan Rituals. Celui-ci naît d’une longue introduction, aérienne, qui plante le décor, non seulement du titre mais également de l’ensemble de l’album. Du haut de ses 10 minutes et 52 secondes, il nous conduit au seuil d’un autre monde, un monde où les larmes côtoient la joie, ou la tension côtoie le relâchement. Ou l’obscurité se voit chassée par la lumière.
Nous démarrons par un bourdonnement sur lequel se posent quelques notes de guitare (ou du moins une basse jouée comme telle), quelques effets électroniques, avant que la clarinette impose, sans douleur, sa plainte ensoleillée. Les basses sont absentes, un léger tintement de cymbales se fait parfois entendre de loin. Nous sommes en plein rite païen, en confinement initiatique. Quand la batterie apparaît, suivie de près par la basse (jouée cette fois-ci en tant que telle), nous accédons à un autre niveau de conscience. La tension s’évanouit, ses liens tombent au sol, la transe commence, pleine d’un groove discret mais efficace.
Prophétique
Puis la voix arrive, prophétique, pleine de ce trémolo que l’on retrouve sur tous les titres de l’album. On pense à Dead Can Dance. Lors de son incantation première, les instruments se taisent, seul demeure un tapis sonore poisseux. Après une courte pose, tout reprend, la basse, la batterie, la voix, apportant une puissance et un espace inouïe devant nous. Le gouffre est profond, mais nous n’avons pas peur. Nous ne perdrons pas la raison, car on nous retient par un souffle expérimental de clarinette.
Par la suite, c’est un sentiment de puissance qui nous assaille. Une puissance subtilement dirigée, puisqu’elle ne nous terrasse pas, mais nous invite à écouter la suite de The dust of our dreams les oreilles grandes ouvertes. Cette entame de disque est l’une des meilleures que nous avons entendu depuis très longtemps et elle annonce parfaitement ce que sera The dust of our dreams, à savoir un Grand Disque. À part.
Site officiel de Bärlin
On pense à Oiseaux-tempête