[ ALBUM ] STRAWBERRY SEAS, un parfum inégalable
Premier album de Strawberry Seas (disponible chez December square)
Sortir un premier album, c’est toujours un événement important qui vous place entre une excitation fébrile de laisser votre bébé aux mains de tout le monde, en même temps que de vous faire ressentir une appréhension sans limite qui vous situe sur la brèche et vous fait vous poser la question : est-ce qu’ils vont aimer ? Dans le cas de Strawberry Seas, aucun doute, l’album devrait ravir tout le petit monde du rock, parce qu’il dégage cette magie incroyable, celle des groupes qui ont tout pigé et qui, humblement, le restitue avec générosité.
Tout se passe du côté des 70’s.
Impossible d’essayer de résister. Le premier titre, Trampoline (que nous vous avions dévoilé dans notre playlist du lundi) réduisait en un battement de cils toutes nos barricades en poussière. Un esprit Velvetien s’emparait de nous dès les premiers instants de ce hit imparable. Lou Reed semblait à nouveau au sommet de son art, Nico également (les deux étant immortels cela va sans dire). Nous ne pouvions, dès lors, qu’espérer un album lumineux, à la fois respectueux de l’Histoire du rock et novateur. Si le côté novateur n’est pas vraiment présent, parce que c’est dur d’innover dans le style qui est le leur, à savoir un rock teinté de psychédélisme discret, nous pouvons en revanche assurer qu’il est respectueux ET moderne dans sa proposition.
Posons les bases : un quintet, une batterie, une basse, un chanteur, une chanteuse, des claviers, des guitares le tout pour produire un rock indépendant nous évoquant, comme nous le citions plus haut, le Velvet underground par moment, des groupes américains des 90’s et années 2000 (nous pensons notamment à la délicatesse d’un groupe comme Sparkelhorse, par exemple), et puis un peu de l’esprit du psychédélisme anglais dès la fin des sixties. Tout cela arrangé par une production sans failles.
Voyage.
Ce disque pourrait très bien s’apparenter à la bande originale de votre road trip intime. Pourquoi ? Parce que chaque titre possède une couleur qui lui est propre. Certains dégagent un romantisme discret, d’autre une essence plus sauvage. Nous pourrions les coupler à des scènes de notre vie quotidienne, des plus banales aux plus extraordinaires. Un coucher de soleil qui embraserait le ciel, un premier baiser, une journée passée sous la couette, un sourire échangé dans la rue, jouer aux billes comme quand nous étions gosses. Tout ce genre de petits rien habite la musique de Strawberry Seas, sans jamais être surjoué, innocence retrouvée grâce au pouvoir évocateur de cette musique sans âge.
Les sonorités dégagent un sentiment de sécurité. Nous nous sentons enveloppés, biens, en présence du groupe. Non pas qu’il soit sirupeux, sans aspérité, mais juste parce que la quiétude qu’il dégage nous transporte dans un ailleurs qui ressemble à s’y méprendre à la réalité que nous désirons investir de tout notre être. Les effets sont discrets, autant sur les voix que les instruments, même s’ils restent bien décelables. Ils permettent à l’album de maintenir, tout au long de ses 13 titres une homogénéité irréprochable.
Les choeurs, véritable plus !
Nous avons deux coups de coeur pour cet album. Enfin trois. La voix lead masculine (Raphaël) est simplement parfaite. Les claviers sont géniaux. Et les choeurs ! Ils propulsent les titres dans un autre univers, fait de douceur, de couleur sépia, d’un romantisme exalté. Ttoujours dosés avec une infinie précaution, à bon escient, ils ne font que renforcer le pouvoir évocateur de certains titres. Ils permettent en outre à Strawberry Seas d’être un album feel good. Peut-être cela n’était-il pas prémédité, mais nous sommes en présence d’un disque qui fait du bien, qui illumine le pavé quand la nuit est sans lune. Il gonfle nos coeurs d’une joie qui emprunte, d’une certaine façon, à la nostalgie un peu de son aura magique et du lustre des souvenirs forcément agréables.
Ici, nostalgie ne rime pas avec un cloisonnement des idées, mais avec ce parfum inégalable qui en découle, une forme de célébration de ce qui fut et qui a construit notre personnalité, qui a fait de nous des hommes, des femmes, conscients de leur époque. Nous ressentons, à chaque nouvelle écoute de l’album, un sentiment épique nous envahir, comme si nous étions la voile d’un bateau se gonflant soudainement sous la brise, et qui nous porterait loin de tout ça, de tout ce qui nous fait du mal, pour aller vers ce qui nous grise. Et ce sentiment se décuple à l’infini de ces treize titres proche de la perfection absolue.
LE titre de Strawberry Seas.
Trampoline, il est vrai, est absolument somptueux. Il donne le ton d’un album duquel nous ne parvenons pas à ressortir tant que la dernière note en suspens ne se soit envolée. Nous aurions aisément pu le choisir comme titre de l’album, mais un autre morceau lui damne le pion, enfin à notre avis. Ce titre s’appelle Sunny Lane, se trouve à mi-album et nous bouleverse (dans le très bon sens du terme).
Entame à la guitare, légèrement crade dans sa distorsion, très vite rejointe par une nappe de clavier vintage, puis par la paire rythmique (irréprochable sur la totalité de l’album). Et puis la voix lead survient, la rythmique évolue imperceptiblement sur le couplet, avec un côté presque comptine. Alors survient le refrain, avec une bascule vers la voix féminine (Carine) en lead. L’ensemble dégage un parfum Swingin london imparable, comme si nous y étions. Les claviers sont solaires, l’ambiance légère, couleur sépia de rigueur, mais la production est bel et bien moderne. Que demander de plus ? Simplement qu’un tel morceau ne s’arrête jamais.