Se perdre dans la fragilité de l’interprétation de Loney Dear
A lantern and a bell (disponible chez Real World records)
Il y a des disques qui, malgré leur brièveté, paraissent ne jamais nous quitter. Malgré ses 27 petites minutes, A lantern and a bell fait partie de ceux-ci. Parce qu’en 9 titres Loney Dear nous embarque dans un monde fait de douceur, de fragilité, de pureté, de force, le tout sans ostentation et avec une forme de piété qui fait un bien fou.
Loney dear, c’est avant tout une voix. Celle d’Emils Svanängen. Elle nous rappelle un peu celle de Peter Van Poelh dans ses sonorités, plutôt haut perchées. Le falsetto du chanteur convient à merveille à l’univers qu’il nous délivre, même si une voix rauque et profonde aurait pu rendre le disque tout aussi intéressant, mais radicalement différent. Dans le cas présent, nous sommes en présence d’un disque brûlant, touchant au sublime, et cette voix porte chaque composition vers les cieux.
Minimaliste.
Le disque est minimaliste. Il touche à la pop et à la folk. Il est souvent acoustique, mais ose des petites bidouilles électroniques totalement fondues dans l’esthétique acoustique. Le résultat s’avère assez bluffant, notamment parce que la production, presque « inexistante », permet de toucher à l’essence même de l’âme du musicien.
En ce sens, elle nous évoque le premier album de Tom Mcrae, qui osait aussi le dépouillement, laissant la force des compositions et de la voix faire le travail. Très peu d’effets donc, mais une telle force dans la note, une telle force dans la voix et dans l’impact d’une ligne de chant font que nous nous trouvons tout de suite embarqués dans une musique qui parle directement à l’âme.
Piano et sensibilité à fleur.
Il y a ici beaucoup de piano, des claviers, des choeurs. Tous portent aux nues un homme qui se met littéralement à poil. Sinon, pourquoi ce disque nous toucherait-il autant ? Impossible de ne pas ressentir l’abandon de Loney Dear sur ce disque. Celui-ci dévaste tout, est un cri de détresse. Sans doute parce qu’Emil Svanängen était déprimé lorsqu’il a commencé à travail sur ce projet d’album. Il dit même qu’il avait perdu espoir. Et croyez nous, cela se ressent, tout comme la force de vie qui s’échappe de ce disque.
Mais sans doute tout cela n’aurait-il pas été possible sans l’incroyable relation de confiance entre l’artiste et Emanuel Lundgren, amis de longue date et producteur sur A lantern and a bell. Il explique d’ailleurs « Pour Emil, l’objectif était de ne pas se cacher, d’oser se mettre à nu » et qu’au bout de 9 ans à se côtoyer et ayant conduit à leur amitié « c’est seulement maintenant qu'[ils étaient] prêts à travailler ensemble aussi étroitement. On peut entendre cette proximité sur le disque ».
La beauté.
Nous ne pouvons absolument pas lui donner tort. Nous sentons un artiste en confiance, un homme se débarrassant du superflu pour toucher à l’essence de son art. Si tout cela paraît simple, rien n’est pourtant laissé au hasard. Chaque instrument, chaque arrangement, se trouve exactement là où il doit se trouver, réveillant des sentiments multiples, confus, paradoxaux chez nous.
Nous y sentons de la mélancolie, de la tristesse, de la sincérité (celle de l’homme qui confie ce qu’il a de plus enfoui en lui), une foi en quelque chose de grand (probablement l’océan puisque le thème marin est omniprésent dans ce disque). Et sans doute aussi d’un espoir en la vie, en ses beautés qui finissent tôt ou tard à ressurgir.
27 minutes, c’est court, très court. Mais cela suffit largement à vous marquer pour la vie. A lantern and a bell est une merveille de pudeur. Un très grand disque !
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