PHILIPPE ROUQUIER Rires de poupées chiffon
Philippe Rouquier nous offre un roman noir atypique avec Rires de poupées chiffon
Voici un polar pour le moins original. Ou plus exactement, plutôt que de parler de polar, nous utiliserions le terme de roman noir. Rires de poupées chiffon, de Philippe Rouquier (aux Éditions carnets nord) nous conduit aux abords d’une certaine forme de folie, celle de la création artistique parfaite.
Fausses pistes, faux semblants
Le roman commence de façon presque bucolique. Louis Dames, ancien officier de la marine, en tant que médecin, à la retraite, s’installe dans le Vercors, près d’une vallée qu’il pense inoccupée. Son but : y observer, à travers de l’étude d’insecte, les effets du réchauffement climatique. Mais à sa grande surprise, il découvre une habitation au fond de cette vallée encaissée, d’où jaillissent cris et coups. Peu après, il fait la connaissance du couple y habitant, Ceril et Krim Lee, deux artistes aux comportements extrêmes.
L’ancien médecin de la marine se lie d’amitié avec le couple, mais les relations sont compliquées. Fatigué par les artistes, il tente de s’en éloigner. Eux-même sont sur le point de se séparer. Un jour, retournant effectuer ses relevés de données, Dames voit Krim Lee auprès d’un énorme brasier. Il devine la forme d’un bras, celui de son épouse, Ceril.
Dès lors, l’histoire bascule, toujours plus avant dans l’étrange, le sordide, le jusqu’au boutisme artistique, sur fond d’amour, de drogue/alcool et de création à point de vue unique. Pour notre plus grand plaisir, il n’est pas ici question d’une énième enquête policière où un quidam se retrouverait propulsé héros bien malgré lui. Non, le propos est bien plus contrasté.
Nous pousser à douter de ce qui est écrit
En effet, Philippe Rouquier crée le doute de bout en bout de cette intrigue. Avons-nous bien compris ce que nous avons lu ? Est-ce Ceril dans le brasier ? Krim Lee est- il sain d’esprit ou ses excès le font-ils délirer? Et Louis Dames ? La gendarmerie dénouera-t-elle le fil emmêlé de ces témoignages précis qui se recoupent autant qu’ils se repoussent ?
Autant de questions qui trouveront une réponse au fur et à mesure des pages que nous tournons.
L’écriture de l’auteur est fluide, précise, elle nous manipule et éveille notre curiosité. Les portraits de personnages sont subtils, la psychologie fouillée. Même si le délire des époux artistes nous paraît étranger (ce qui fatigue le marin à la retraite) et nous perd dans nos hypothèses, nous sommes ravis de ce point de vue utilisé, car il dénote avec les romans noirs à la forme plus classique.
Envie d’en savoir davantage sur ses personnages charismatiques
Si nous aimerions en connaître plus sur la vie de Louis Dames et sur l’histoire de Krim Lee, leurs vies respectives ne souffrent d’aucune incohérence, de même que celle des autres protagonistes. Les péripéties, les changements de rythmes sont bien menés, les décors variés et la progression de l’intrigue nous interroge quant à sa finalité.
Nous nous lions d’affection pour les différents protagonistes de ce roman, même si la morale peut en être discutable. Mais ne dit-on pas que les goûts et les couleurs ne se discutent pas ? Il est ici question d’art, dans sa forme la plus extrême, et que cela plaise ou non, que nous le comprenions ou pas, ça ne se discute pas. Et puis il y a cet amour fou, passionnel, démentiel, des deux artistes, qui lui non plus ne souffre aucune discussion, juste une presque forme de respect. Dans les deux cas, il nous faut tout accepter, ce qui est d’autant plus simple que Philippe Rouquier ne se veut en aucune façon moralisateur, mais spectateur des facéties de ses personnages.
Avec Rires de poupées chiffon, Philippe Rouquier nous livre une fascinante histoire d’amour, ou l’art, au centre de tout, justifie les actes les plus forts, fous, et sans retour.
Ou quand la destruction se nourrit de la création (ou inversement).
Site officiel de Philippe Rouquier ICI