PHILIPPE AZAR Le bruit qu’on entend dans les caves
Le bruit qu’on entend dans les caves, recueil de nouvelles de Philippe Azar
Qu’est-ce que Le bruit qu’on entend dans les caves ?
Est-ce le glougloutement à la fois apaisant et dégueulasse des eaux vannes, chargées de pisse et de merde et qui s’écoulent, dans ces fameuses caves, à travers le dédale de canalisations en PVC (autrement dit les mélodies de la chasse d’eau) ? Est-ce celui, bien plus sordide, d’une tournante que tout le monde fait semblant de croire qu’elle n’existe pas ? Non, même si certaines saloperies exposées sont du même acabit, Le bruit qu’on entend dans les caves est le recueil de nouvelles de Philippe Azar (Z4 Éditions).
Qu’est-ce qui fait d’une nouvelle une bonne nouvelle ?
Celles qui l’entourent bien évidemment. Si vous prenez une seule des douze nouvelles de ce recueil à part, vous obtenez une histoire qui tient la route, qui parle de ce monde en déliquescence et de cette âme humaine que nous recherchons partout mais qui semble bien s’être envolée dans un brasier de bombes incendiaires lancées quelque part dans la rue d’une cité assiégée.
Le ton y est lucide, froidement, de façon fulgurante ne souffrant aucune discussion. Nous en sommes là et il fallait quelqu’un de la trempe de Philippe Azar pour l’évoquer, simplement, sincèrement, avec toute cette rage contenue qui est la sienne, ou du moins qui est celle de son écriture. D’ailleurs, ne disions-nous pas qu’il était un franc-tireur, il y a quelques mois ? Plus que jamais, cela est vrai.
Mais si cette nouvelle fait écho, c’est également parce que, autour d’elle, d’autres se greffent et le propos gagne en puissance, malgré la diversité des thèmes abordés. Cette puissance est de celle qui dévaste tout, qui nous permet de ressentir ce qui nous entoure avec un œil moins opaque. Elles affutent, ces nouvelles, notre esprit afin de le rendre plus à même de décrypter la promesse d’un président mythomane et moins amer à force d’espoirs déchus. Non, nous ne sommes pas seuls, tout est là et dit d’un ton de confidence pour nous expliquer les choses, en sous-entendant que le narrateur ne fait qu’enfoncer des portes ouvertes, qu’il sait que nous savons et que nous savons qu’il sait que nous savons.
Intimité des rapports.
Nous sommes en phase, prêt à accepter cette vision du monde, ou plutôt celle d’un monde proche de la rupture d’anévrisme, mais dans lequel surgisse, tels des flashs aveuglants, un amour de son prochain qui explique à lui seul cette envie d’expression sans tabou ni retenu.
Philippe Azar excelle dans la nouvelle, comme il excelle dans le format plus long de son premier roman. Il excelle parce que rien n’est faux, parce que sa sincérité s’infiltre entre les lignes et que réside là son plus beau cadeau, comme un don de soi pour qui veut bien ouvrir les yeux et comprendre que même si tout paraît bien mal engagé, il ne faut surtout pas se taire, ne surtout pas oublier de rêver et surtout ne jamais se compromettre ou se prostituer.
Et merde le Goncourt et autres prix littéraires. Il est force de constater que de très bons écrivains, des entiers, des comme on aime, ne vendront jamais leur âme au diable, ne braderont jamais leur finesse et leur talent au détriment de leurs lecteurs. Et si finalement, c’était vraiment ça, le bruit qu’on entend dans les caves, au-delà des voix feutrées émanant des étages supérieurs, au-delà des bruits étouffés provenant du dehors, celui du bruit du Respect (de la littérature, de sa propre personne, des autres…), avec un R majuscule ?