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[ ROMAN ] JEAN PETIT, Dissonances//Road trip amer
Dissonances, roman de Jean petit parut chez L’Harmattan (collection rue des écoles/littérature).
C’est un livre comme nous les aimons, avec un « héros » comme nous les aimons. Dans Dissonances, nous suivons Pierre dans ses déambulations irlandaises, déambulations faites de Guiness et de rendez-vous manqués.
Pierre est ouvrier dans l’agroalimentaire. Divorcé depuis 3 ans, il part en voyage quelques semaines pour tenter de mettre un peu de distance entre sa vie ratée et un quotidien solitaire. Le but de cette escapade ? S’envoyer en l’air, avec le plus de femmes possible.
Antihéros pathétique et touchant.
Jean Petit nous dresse le portrait d’un homme fatigué. Celui-ci a tout raté : un job pas franchement épanouissant, une femme qui a foutu le camp, et, depuis qu’elle et lui ont divorcé, une seule relation charnelle est à mettre à son actif, une seule en 3 ans. Il décide de changer tout cela. Il a mis un peu d’argent de côté et décide, pendant ses congés, de partir pour en voyage en terre d’Irlande. Son espoir ? Se faire un max de nana, mais tout, évidemment va de travers. Car, finalement, échappe-t-on à qui l’on est ?
Cet antihéros est un cas comme il en existe tant. Il se remet difficilement de l’échec de son mariage et se trouve dans une détresse affective profonde. Trois ans qu’il est séparé de son ex-femme, celle-ci ayant refait sa vie et ayant la garde de leur enfant. La pilule a du mal à passer, d’autant que lui reste bloqué au même point qu’après cette séparation. Pourtant, il a de l’esprit, il est même plutôt érudit. Mais que voulez-vous ? Quand on emprunte un chemin de vie, difficile de s’en détourner.
Des actes manqués.
Il voit le désir des femmes où il n’existe pas. La première, qui le prend en stop le laisse sur le bord de la route. Il a mal interprété les signes, et déjà nous sentons que son pèlerinage sera un fiasco. Pierre ne sait plus séduire, il a oublié comment faire, et puis, il picole trop. Rien n’est classe dans ce roman, sauf peut-être cette nuit, finalement très anecdotique, dans la suite nuptiale d’un hôtel. Avec une écriture d’une remarquable fluidité, teinté d’humour, d’amertume, et de ce petit quelque chose qui fait la magie des road trip (des rencontres en pagaille, des lieux magnifiques ou chargés d’histoire à visiter), le Monsieur Tout Le Monde de Jean Petit porte sur lui le costard du paumé qui a 40 ans se croit encore « jeune ».
Plusieurs qualités nous font littéralement craquer pour ce court roman qui se dévore d’une traite. Un personnage dans la lignée de ceux de Bukowski, un type banal que personne ne calcule véritablement mais qui est bien plus nuancé qu’il y paraît. Un regard porté sur un homme en partie détruit par un mariage raté, qui fait le bilan sur sa vie et qui se demande, en creux, où est-ce que ça a foiré pour qu’il en arrive là. Humain au possible, Pierre ressemble à tellement d’hommes que son parcours particulier en est universel sous tous ses aspects.
Trop court.
Dissonances est un roman beaucoup trop court, mais finalement représente un peu ces parenthèses que nous nous offrons parfois dans nos vies, c’est-à-dire des moments qui passent à une vitesse éclair lorsque l’on y repense quelques années plus tard. Et s’il est si court, c’est que nous nous attachons énormément à ce héros fatigué qui porte son spleen à bout de bras et dont les rêves sont à la hauteur de sa vie sans relief. Nous le quittons dès lors, forcément, à regrets.
Avec ce quatrième roman, Jean petit propose un livre d’une remarquable justesse, d’un homme qui enfin effectue le deuil de son mariage (et en creux de ses jeunes années, crise de la quarantaine en arrière-plan de tout cela), mais avec toute la maladresse des premières fois. Bien écrit, léger mais amer, Dissonances est un excellent bouquin puisqu’il nous fait nous dire que pour notre vie n’est pas si pourrie que cela.
On pense à Perpète.