[ RECIT ] DEREK TAYLOR, dans l’ombre des Beatles
Carnet de Derek Taylor qui fut l’attaché de presse des Beatles dans les années 60.
Derek Taylor fut, à deux reprises, en 1964 et entre 1968 et1970 l’attaché de presse des Fab Four (dans le second cas au sein de L’appel Corps). Il raconte le tourbillon et la folie qui régnaient ces années-là, d’une part en pleine explosion de la Beatlemania, puis à l’apogée de la carrière des Beatles. Ce livre, sorte de carnet intime, est à la fois drôle, touchant et révélateur de la folie d’une époque à nulle autre pareille. Dans l’ombre des Beatles, carnets d’un attaché de presse dans le tourbillon rock des sixties de Derek Taylor est paru aux Éditions Rivages (rouge).
Tout commence…
…quand on dit à Derek Taylor qu’il devrait consigner ses pensées dans un bouquin. Ce postulat ouvre le livre, et c’est drôle, so british, parce que Derek Taylor n’en a aucune envie, qu’il fuit ce travail qu’il mènera pourtant à son terme bien des années plus tard, après l’extinction du plus fameux groupe de rock de tous les temps. Mais avant de ce faire, l’homme, encore en poste auprès des quatre garçons, subira les revers d’Apple et du comportement du fameux groupe qui osera se séparer, laissant des millions de fans orphelins.
Il s’agit là du premier livre de Derek Taylor (il en a écrit 4). Ce journaliste devient, par le jeu du hasard et de celui des relations, attaché de presse des Beatles. Après une première période, il s’envole aux États-Unis ou il s’occupera d’un autre petit groupe local, les Beach Boys (excusez du peu, parce qu’à l’époque, les Beach Boys étaient les seuls, Américains et Européens confondus, à pouvoir rivaliser avec la bande à Lennon). De retour au pays, il reprendra soin des Beatles, au sein de l’Apple Corps. Mais la vie y est rude, la mauvaise gestion de la boîte, les mauvais conseils finiront par avoir raison de la structure. La séparation des Beatles en sera le chant du cygne.
Ne vous attendez pas à des révélations fracassantes sur les Beatles.
C’est évident, nous nous attendons forcément à ce que des révélations pleuvent sur les Beatles, et ce n’est absolument pas le cas. Avec Derek Taylor, ils perdent en aura mystique ce qu’il gagne en humanité. Car oui, les Beatles sont humains, comme vous et nous. Nous y voyons un Georges Harrison symbolisant la bonté dans toute sa splendeur, un Ringo Star détaché, un Paul Mccartney charismatique et un John Lennon d’une étonnante simplicité. Mais tous ces aspects ne sont finalement que superficiels, le nœud de «l’histoire » gravitant autour d’eux, dans l’ombre du groupe, est la véritable raison de ce carnet de bord.
Et dans l’ombre, il y a Derek Taylor, et les conseillers des Beatles, et des fans qui essayent de leur soutirer du fric, et des arnaqueurs, et la presse. Dit comme cela, ça parle relativement peu, surtout si vous n’êtes pas au fait de l’émoi que provoquaient les Fab Four. La vie de Taylor est sans cesse bousculée par les papiers à écrire, mais surtout par les rumeurs, des plus justes aux plus fantaisistes qu’il doit infirmer ou confirmer à la presse avide de sensations.
Schizophrénique.
Alors, comme Derek Taylor, nous sommes engloutis par la tornade Beatles, par cette action incessante autour d’eux, que les divers membres d’Apple tentent de canaliser afin que la formidable poule aux œufs d’or que sont les Beatles ne soit en rien perturbée. Taylor essaye de protéger le groupe de la presse, passe des journées à essayer d’éteindre l’incendie des rumeurs quant à une arrestation de John pour possession d’herbe, quant aux rumeurs de rupture du groupe etc… Certes c’est son boulot, mais pour tenir, et comme c’était un peu l’époque aussi, les hommes de l’ombre turbinent au LSD et autres marijuana.
Souvent, les chapitres sont rédigés après coup (pas le temps durant la fameuse période) ce qui leur apporte un recul nécessaire et une clairvoyance pas inintéressante du tout, surtout concernant, par exemple, la fin du groupe. Derek Taylor y est absolument touchant et, peut-être, s’il l’avait écrit et publié à l’époque, provocateur (mais touchant surtout). D’autres moments tout aussi cruciaux s’avèrent très instructifs et révélateurs de l’époque (gaspillage de temps et d’argent, requins et piques assiettes en col blanc, chasse aux sorcières etc…).
Une écriture plus vraie que nature.
Question écriture, rien à redire. Derek Taylor écrit comme s’il s’adressait directement à nous. Il nous raconte l’histoire comme une anecdote de boulot (très détaillée), avec pas mal d’humour et de fantaisie (totalement anglais), dans un langage relativement familier contrastant avec cette écriture fluide et au vocabulaire riche.
Ce bouquin, au final, s’avère une photographie plus vraie que nature de l’époque. Vivante, brillante, elle n’y fige aucun des protagonistes de l’époque, leur rendant sans doute l’éclat lumineux de ces années qui restent pour nous un fantasme. En deux cents et quelques pages, Derek Taylor rend tout ce beau monde vivant, une deuxième fois, et cela nous procure un sentiment d’indicible joie. All you need is love chantaient les Beatles… All you need is love… and Derek Taylor.
Retrouver un autre titre paru chez Rivages, Jeunes Loups de Colin Barrett