JE T’AIME – AGGRESSIVE
Album déjà disponible (Icy cold records/Manic derpression records).
A l’heure où la bande à Robert Smith arpente les salles de concerts européennes avec le “Lost World Tour”, et où chacun des titres de leur setlist est un tube, nous nous tournons vers l’horloge du temps, et le constat est là : cela fait plus de quatre décennies que la cold wave, ou de façon plus générique le post punk, point de rupture du mouvement punk, a vu le jour. Si la vague froide a, un temps, perdu de sa superbe, elle n’a jamais rendu l’âme. De ces eaux glaciales, de sombres rejetons, aux cheveux hirsutes et à la gabardine noire, ne cessent de vouloir nous rappeler que ce mouvement est intemporel. Les parisiens du groupe JE T’AIME font partie de cette nouvelle génération qui œuvrent en ce sens. Dès la première écoute de AGRESSIVE, deuxième volet du double album PASSIVE / AGRESSIVE, nous avons été enivrés par le romantisme et la froideur animale du trio.
Les fantômes du passé
JE T’AIME se forme en 2018 autour de dBOY (Chant, Synthé, Basse, Guitare), Tall Bastard (Basse, Guitare) et Crazy Z (Synthé, Basse, Guitare), et compte déjà à son actif, un premier album éponyme, un live, et le premier volet du double album, PASSIVE / AGRESSIVE. Pour être honnête, nous découvrons le groupe avec ce deuxième volet. Ce qui nous a marqué, avant l’écoute de l’album, c’est cette opposition entre le nom du groupe, JE T’AIME, qui résonne comme l’envie de crier, partager son amour à quelqu’un et le nom du double l’album, faisant référence à ce trouble comportemental, marqué par le mutisme, et qui laisse place à une colère ruminée plutôt qu’à une verbalisation.
Les trois parisiens pratiquent la dualité. Le clair-obscur, et c’est surtout le côté obscur qu’ils cultivent le mieux. Tous les ingrédients de la cold wave sont là. Des sonorités froides, une voix sépulcrale, caverneuse, des rythmes statiques, et des paroles emplies d’afflictions et de malaises.
Dualité clair/obscur.
Sur AGRESSIVE, les fantômes du passé semblent prendre de la place et laissent une blessure indélébile dans notre cœur et dans notre chair, comme sur le titre Tales Of Despair; “Singing tales of despair, years after year, like digging my own grave, tore me apart”. Avec Evil Curves, où le narrateur garde également un œil dans le rétro, celui-ci semble faire un constat plein de désillusions, de déceptions et de frustrations, sur sa vie passée.
Musicalement, la voix est ici plus grave, le morceau est entrecoupé de blancs, nous laissant brièvement mal à l’aise, avant de voir la guitare prendre le lead est tout envoyer valser ! Leave Me For Dead … Le titre parle de lui-même. Le rythme effréné, nous entraîne dans une ambiance angoissante, de laquelle nous souhaitons nous extraire. Nous nous sentons poursuivis !Par qui ? Par quoi? Nous ne savons pas, et ne voulons certainement pas le savoir. Nous voulons juste ouvrir les yeux et sortir de ce mauvais rêve.
L’idée de mort comme bienfaitrice?
Cette sensation d’oppression, nous la retrouvons avec Winter Lake. Se boucher les oreilles, et fermer les yeux. Se croire invincible seul, faire abstraction des gens bienveillants et de leurs conseils. Avec comme résultat parfois, de se retrouver sous cette épaisse couche de glace qui recouvre le lac gelé, et être dans l’impossibilité de refaire surface; “I should have listened to my friends more carefully when they told me to flee”. Fuir. Fuir. Fuir. D’accord ! Mais où aller où? Prendre la mer, traverser l’océan. Fuir la “cold wave” et chercher la chaleur des Bermudes, Elbow Beach. Ou bien fuir notre quotidien, nos amis imaginaires, lever la tête de nos écrans, vivre une vie bien réelle. C’est ce que nous enseigne Out Of Sight, morceau qui ouvre l’album.
Gone Away, est l’un des titres les plus apaisés de AGRESSIVE. Le rythme se veut moins vertigineux, un peu plus lancinant. Nous retrouvons une sensation de délivrance, de soulagement; “The pain in you has gone away”. Faut-il y apercevoir l’idée de mort comme bienfaitrice? La mort, en tout cas, il en est question, avec The Last Words Of A Sad And Pathetic Hero. Ce titre de chanson, Charles Bukowski en crèverait une deuxième fois, pour pouvoir l’utiliser pour l’un de ses livres. Sur ce morceau, le rythme est obsédant, vibre au contact d’un cœur, qui vit ses dernières secondes. La voix perd de son entrain tandis que la guitare égrène un riff plutôt rock, avant de….
Si seulement
If Only, si seulement. Ce titre, nous ne nous en lassons pas. Etrangement, la chanson nous ramène à l’actualité littéraire et au Prix Goncourt, remporté par Brigitte Giraud, avec son livre Vivre Vite. Dans ce livre, Brigitte Giraud fait un état des lieux, plus de vingt ans après, sur le décès en moto de son mari. Et si seulement elle avait fait ci. Et si seulement, il avait fait cela. Et si le téléphone avait sonné une minute plus tôt; “if only I could make this night last forever”. Enfin, Kiss The Boys (And make Them Die). Ce morceau est apparu une première fois sur un EP du groupe, qui est sorti le 26 Mai dernier, en soutien pour les victimes touchées par la guerre en Ukraine. Les fonds ayant été reversés à une association. Sur ce titre, nous retrouvons une collaboration avec Alex Svenson, leader du groupe suédois Goth/ Post Punk, Then Comes Silence.
Il va s’en dire, que chez LITZIC, nous avons adoré cet album. Le romantisme glaçant, les mélodies brumeuses, la satisfaction de se retrouver dans les paroles et de se dire, que nous ne sommes pas seuls à parfois broyer du noir, à être rempli de doutes. La vie est ainsi faite. JE T’AIME! Trois mots parfois difficiles à prononcer, voire même à recevoir. Si c’est le cas, nous vous conseillons au moins d’écouter JE T’AIME! En guise de conclusion de cette chronique, nous voulons citer et vous laisser méditer avec cette phrase de Goethe, écrite dans Poésie et Vérité, Souvenirs de ma vie; “Si je t’aime, est ce que cela te regarde?”.
Keep rockin’
LGH
LGH (Le Gosse hélicoptère) :
Révolutionnaire en peau de lapin, guitariste de salon à mes heures perdues, amoureux des mots et féru de musique. Mes mots d’ordre sont l’éclectisme, la curiosité et le partage. Keep rockin’ !!
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