THE JAZZ DEFENDERS, King Phoenix (Haggis records)

the jazz defenders king phoenixEn mode sauvetage.

Il peut paraître présomptueux, donc fortement dangereux, d’appeler son groupe The jazz defenders, parce que si on ne le sauve pas comme il faut, c’est tout le navire qui prend l’eau. Mais avec King Phoenix, son deuxième opus chez Haggis records, le combo fait bien plus que sauver le jazz. Il lui redonne en effet le lustre d’antan.

« Le jazz n’est pas mort, il a juste une drôle d’odeur » disait le grand Frank Zappa. Et c’est vrai que, comme le rock, le jazz a eu ses heures de gloire. Pourtant, il ne cesse de refaire surface, par monts et par vaux, en incluant dans la partie bien des influences, qu’elles soient world music, électro, hip-hop, rock (et on en oublie). Ce King Phoenix, malgré son entame plutôt respectueuse, s’enflamme bien vite pour nous proposer un grand album, ni plus ni moins.

Du hard-bop à la bossa.

Cet album se veut avant tout un hommage appuyé au jazz hard bop de la fin des années 50- début années 60. Mais comme un sale gosse plein de malice, il s’en éloigne pour aller flirter avec le funk, le hip-hop, les rythmes latins et le hip-hop, toujours avec un tact inspiré et une science des mélodies qui font mouche de manière instantanée. En 10 titres, c’est presque autant d’univers que parcours The jazz defenders sans se perdre une seule fois en chemin.

Il faut dire que les fondamentaux sont acquis et respectés. Solide paire rythmique, jamais prise en défaut, tant du point de vue du feeling que de celui de l’efficacité inventive. On le dit tout de suite, le groove est au rendez-vous, jamais ostentatoire, mais toujours pertinent, emballant, moderne. Impossible de rester de marbre, il déclenche immédiatement le mouvement, tout comme il affiche sur notre visage un petit sourire insolent, du genre de celui qui ferait dire à Zappa de se retourner 7 fois dans sa tombe avant de parler (mais on l’aime toujours aussi fort celui-là).

S’ajoutent à cette paire rythmique incassable des cuivres impeccables, un piano inspiré, qui à eux tous permettent aux différents titres de décoller quelque part au niveau de la stratosphère. L’énergie déployée par le quintet est simplement phénoménale, aussi puissante qu’elle est légère, aussi inspirée qu’elle peut être inspirée par les grands noms d’hier (de Herbie Hancock à Ramsay Lewis, en passant par Reuben Wilson et Jimmy Smith).

Touche-à-tout.

Ainsi, le début d’album se la joue jazz à tendance presque funky, avant une première belle incartade vers une bande originale de film imaginaire, à mi-chemin entre celle d’un Ennio Morricone qui nous proposerait une musique de duel dans un western et le « romantisme » d’un John Barry. The oracle s’avère une pure merveille du genre, à même d’être glissée dans n’importe quel film, quel que soit son genre, du moment qu’une scène fortement émotionnelle y ait lieu. Love Vestige emprunte quant à lui quelques notes évoquant l’Amérique latine, tout comme Saudade (lorgnant tout de même plus l’Amérique du Sud) dont le titre parle presque pour lui-même.

Et puis voilà l’apport hip-hop nous rappelant un peu les élucubrations d’un Guru et de ses Jazzmataz. Flow impeccable de Doc Brown sur Perfectly imperfect (qui porte mal son nom puisque nous n’y décelons aucune imperfection), tout comme peut l’être celui de Herbal T sur Live slow (qui lui non plus ne porte pas très bien son nom car si son flow totalement est décontracté, il déboule à toute vitesse).

Mais bien évidemment, c’est la note bleue qui s’exprime par tous les pores de sa peau sur cet album parfaitement maîtrisé et pensé. Il faut dire que la tête pensante de l’objet, à savoir Georges Cooper, qui a écrit seul 8 des 10 titres, co-écrit les deux autres, tourne à plein régime. Il semble avoir tout pris au pied de la lettre et puis, comme par magie, le restitue sur une forme libérée, nourrie au bon grain jazz, tout en restant sublimement accessible, même au près de ceux qui ne sont pas des adeptes du genre.

Universel.

C’est vrai, ceux qui crient au caractère élitiste du jazz en seront pour leurs frais tant ce disque est simple à aborder, à écouter, à aimer. En fait, c’est bien simple, ce disque nous procure un plaisir instantané, une envie de sourire à la vie, de célébrer quelques instants de joie, seul ou accompagné. King phoenix s’avère festif, entraînant, instinctif, dansant, joyeux, comme un remède ultra puissant à la morosité ambiante.

Car c’est, comme le phénix, que le groupe est revenu des limbes de l’oubli (celui dans lesquelles semblait s’être précipité le monde de la musique) après deux ans d’arrêt pour cause de pandémie. Dans cette nouvelle peau, il ne cherche simplement qu’à se faire plaisir (et par la même occasion à nous faire plaisir). Alors, The jazz defenders porte-t-il bien son nom ? Assurément. Mais il fait bien plus que de sauver le jazz, il nous sauve nous aussi. Immanquable !

Le titre de King Phoenix.

On adore The Oracle, On adore Live Slow, on adore aussi Munch. Et Twillight aussi. Mais trouver un titre meilleur qu’un autre sur ce disque revient à chercher une aiguille dans une botte de foin. Ils sont tous parfaits. Qu’ajouter à cela ? Rien, sinon de filer acheter le disque.

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