Clara Vénus – Nature ! (ô toi qui fis ces hommes saintement!…)
Album déjà disponible
Adulé,vénéré, premier poète punk, âme damnée, il ne cesse de créer l’émoi par son génie et sa précocité. Et cela plus d’un siècle après sa mort. Tant de fois mis en chanson, Bernard Lavilliers, Renaud ou Serge Gainsbourg, mais aussi Bob Dylan, The Clash ou Jim Morrison. Patti Smith lui voue un véritable culte, (quasi maladif) au point d’acheter la maison construite sur les ruines de l’ancienne ferme de la famille dans laquelle a été écrit le chef d’œuvre, Une saison en Enfer. Bon vous avez deviné… Nous parlons bien sûr d’Arthur Rimbaud. Nous avons retrouvé dans notre sac à malice, l’album Nature ! (ô toi qui fis ces hommes saintement!…) sorti en 2020, du groupe post-punk, Clara Venus. La référence à Rimbaud est double avec le titre de ce LP, bride du poème Le Mal dont nous vous parlerons un peu plus loin. Puis le nom du combo, Clara Venus, tiré du sonnet, Vénus Anadyomène, dans lequel Rimbaud casse les codes de la poésie et transforme la Déesse de L’Amour, à la beauté fatale, en une sorte de verrue valétudinaire.
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Les reins portent deux mots gravés : Clara Venus ;
– Et tout ce corps remue et tend sa large croupe
Belle hideusement d’un ulcère à l’anus.
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Impétueuse, Bestiale et Pleine de Fougue
Clara Venus nous vient de Bretagne, et se compose de d’Éric (chant, guitares), Vince (basse, chœurs) et Captain Hokan (batterie). Ici pas de chants marins, mais un patchwork corrosif de rock, de punk / post-punk et le tout en français, s’il vous plaît. A l’image du poème de Rimbaud, la musique du trio est impétueuse, bestiale et pleine de fougue. Ça sent le cuir animal à plein nez. Après un premier opus sorti en 2005, intitulé Ton Système Est Mort, Clara Venus propose avec leur deuxième livraison, neuf titres à faire rugir Kitty, le pauvre chat estropié de votre vieille tante.
Comme vous l’aurez compris, il n’est pas uniquement question de musique mais aussi de poésie, à l’instar des morceaux Le Mal et La Rançon. Le Mal est une version hard rock du texte de Rimbaud qui colle tant à notre époque. La basse est omniprésente, la guitare cingle comme des éclairs, jusqu’à ce qu’une voix maléfique vienne nous tourmenter. La Rançon est un poème de Renée Vivien, aka “Sapho 1900”, poétesse britannique de langue française. Le texte est magnifiquement mis en musique, et l’interprétation qu’il lui en est fait, le révèle davantage.
Si Clara Venus remet au goût du jour des textes d’un autre siècle, pour autant, ils ont bien les pieds sur terre, et posent un regard acerbe sur notre époque. Sur le morceau Boat People, le monde capitaliste en prend pour son grade, la formule “Ton Système Est Mort” est répétée inlassablement comme pour dire: “C’est terminé les gars, il faut passer à autre chose. Le titre démarre avec un son puissant avant de terminer avec une longue instru aux sonorités orientales, ce qui accroît cette idée de changement.
Dans la même lignée, Poison Alice est une satire de nos modes de vie, ultra-connectée, branchée, et marchant le long des trottoirs comme des zombies les yeux rivés sur nos smartphones. La technologie qui prend le pas sur l’humain. Sur le morceau, le rythme volontairement s’essouffle comme pour nous dire que notre fin était proche.
Une ressource périssable
La fin, il en est question également sur Apocalypse Lente. Il nous vient tout de go en tête le chef d’œuvre de Coppola, Apocalypse Now. Ici, le trio met en exergue la passivité, l’inaction d’une grande partie des populations face à certains problèmes sociétaux (et pas que) cruciaux. A force de trop vivre avec des œillères et à se prélasser dans son pré carré routinier, nous fonçons droit dans le mur. Et pendant ce temps, l’horloge tourne.
Time Dealer aborde le thème du temps, de la durée comme une ressource périssable, fugace et éphémère. L’immédiateté prime. Cela nous évoque le Lapin Blanc de Lewis Carroll dans Les aventures d’Alice au pays des merveilles.Transfiguration Day, seul titre en anglais de l’album, est quelque peu énigmatique, avec un caractère religieux. Le titre nous évoque la Transfiguration de Jésus décrite dans le nouveau testament. Une sorte de passation entre Dieu le Père et son fils. Une confirmation d’une filiation. Un Héritage.
Médium Héritage, est un titre au riff mécanique, assez punk dans l’esprit, au texte bien trouvé, qui imagine la réincarnation de certaines figures populaires telles que Mère Thérésa, Hendrix, à notre époque contemporaine. Il y a de quoi rire jaune. Et Kurt Cobain dans l’histoire, hein? Avons nous des nouvelles?
Enfin, le morceau L’Ours Polaire, oscille entre chanson française et rock. Le titre nous rappelle aussi bien sur le fond que la forme, et surtout cette similitude dans la voix (précisément sur ce titre), et ce n’est aucunement péjoratif de notre part (bien au contraire), un autre groupe breton, Matmatah.
A l’écoute de cet album, il est très difficile de rester immobile à contempler les astres. Nous avons envie de taper du pied, de tout faire valdinguer, de faire suinter nos corps, de tourner le volume à fond, de relire Rimbaud et de découvrir la poésie de Renée Vivien. Nous sommes davantage heureux car nous réparons une erreur monumentale, celle de ne pas avoir parlé plus tôt de Clara Venus et leur album Nature ! (ô toi qui fis ces hommes saintement!…).
LGH
(Le Gosse hélicoptère) j’adore découvrir de nouveaux artistes encore inconnus du grand public
et chercher ceux qui dans le passé ont fait ce qu’est la musique aujourd’hui.
La musique m’accompagne en permanence et tient une place primordiale dans ma vie.
Mon maître-mot est l’éclectisme même si mon cœur balance pour le rock sous toutes
ces formes. J’affectionne également la littérature et plus particulièrement la littérature
anglo-américaine (Bret Easton Ellis, Don Delillo, Jonathan Franzen,…).
Relire la chronique de The great destroyer
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