ACID ARAB/RAPHAËLLE MACARON, Climats
Concert illustré, Bonjour Minuit 26/06/21
Les concerts ont repris ! Mais il fut un temps pas si lointain où l’horizon paraissait bien bouché pour les artistes. Alors, certains d’entre eux ont eu des idées. Et parmi ces idées, celle d’Acid Arab de collaborer avec une dessinatrice, Raphaëlle Macaron, pour produire un show, un concert illustré, autour des compositions ambient du duo électro. Ou inversement. Car, qui de l’oeuf ou la poule est arrivé le premier ? C’est un peu la même chose ici tant l’ensemble formé par la musique et les illustrations forme un tout indissociable, et fortement magique.
Pour mettre ce projet sur place (projet qui correspondait à des normes sanitaires qui peu à peu s’estompent), les 3 artistes sont entrées en résidence à Bonjour Minuit. L’équipe de la salle de Saint-Brieuc, si elle ne pouvait plus proposer de concert, s’est investie corps et âmes auprès des artistes (entre autres, puisque des initiatives ont également été menées auprès de scolaires notamment) et a ouvert ses portes à ce projet original dont la première consécration était ce concert.
Prise de parole.
Avant de voir les artistes monter sur scène, l’ambiance est posée. Nous ignorons si Acid Arab et Raphaëlle Macaron ont décidé du fond sonore avant leur entrée en scène ou si la salle l’a décidée elle-même, toujours est-il que l’ambiance était dans le thème de ce qui allait suivre, à savoir une musique ambient, souvent orientalisée. Cela pourrait être anodin, mais ça ne l’est pas totalement, puisque cela permettait, de façon consciente ou inconsciente, de pénétrer dans une atmosphère. Alors nos chakras pouvaient se dépolluer et accepter pleinement la musique du duo que nous avions vu pour la dernière fois aux transmusicales de Rennes, en décembre 2019, une éternité, un autre monde (le grand hall 9 était plein à craquer).
Avant de lancer ce concert illustré, prise de parole, mauvaise nouvelle : le groupe s’est fait dérober une partie de son matériel. Si pour le son tout est ok, c’est pour l’image qu’il manque des éléments, des transitions et des passages animés. Comme l’ont dit les artistes : « on aurait pu ne rien vous dire, vous n’auriez probablement rien remarqué, mais nous voulions être honnêtes ». On les remercie forcément pour cette franchise qui les honore, et nous pouvons d’ores et déjà vous dire qu’animations ou pas, le spectacle était grandiose.
Musique et dessin.
La musique retentit. Les ambiances d’Acib Arab investissent la salle, doucement, progressivement, mais surement. Le duo est placé sur la gauche de la scène, l’illustratrice à droite. Les uns comme l’autre de quasiment profil. Au milieu, un écran qui projette en temps réel les coups de crayons/pinceaux de l’illustratrice. L’atmosphère est étrange, un peu surréaliste. Nos yeux sont littéralement rivés sur la magie des formes qui prennent vie sous les mains de Raphaëlle Macaron. Hyper concentrée (comment diable réussit-elle à ne pas se dandiner sous l’effet de la musique?), elle dispose sur ces grandes feuilles blanches, dont presque toutes bénéficient déjà d’un décor imprimé, de taille variable en fonction de ce que l’artiste va nous proposer, des taches de couleurs, des traits de pinceaux. Ceux-ci prennent forme, petit à petit, et nous montrent des personnages, souvent féminins, constituant là un fil rouge composé de ces dernières mais également d’une voiture rouge et d’une ville.
La musique elle aussi prend forme. Les sonorités orientales se déversent sur nous, nous entourent, nous font voyager, en rythme, hypnotique, et nous font pénétrer dans les tableaux de l’illustratrice. Des fois, nous oublions totalement la musique, c’est vrai. Mais quand nous nous en rendons compte, nous nous disons que si elle n’était pas là, il manquerait un truc incroyable, une identité, un vecteur d’émotion supplémentaire. Car le son et l’image se nourrissent l’un l’autre, en harmonie. Cette boule (nous décririons l’association des artistes comme étant de forme sphérique, sans début ni fin, mais qui tournerait à l’infini) roule, attire à elle, comme le ferait une planète avec ces satellites (c’est un dire une attraction réelle mais un peu distanciée malgré tout). Tout reste dans le mouvement, circulaire, enveloppant, même si les émotions, en revanche, peuvent nous malmener.
La ville, la paix.
Dans Climats, qui est une mise « au vert » d’Acid Arab (enfin mise au vert est un bien grand mot, disons plutôt qu’il s’agissait pour Acid Arab d’exploiter d’autres caractéristiques de sa musique en produisant des thèmes plus ambient, parfois proches du dub), le duo s’associe donc à Raphaëlle Macaron autour du thème qu’est Beyrouth, après cette tragique explosion qui a fait grand bruit (sans mauvais jeu de mots). Les scènes de vie résultant des peintures de Raphaëlle Macaron décrivent la vie de tous les jours, juste avant l’explosion et après, le tout étant ponctué des arrangements musicaux (rythme en augmentation, plaintes chantées, sirènes, tempos plus alanguis, puis une certaine forme de paix retrouvée) du duo de dj.
Les couleurs, au début du show, sont souvent sombres, rouge sang, fumée que l’on imagine âcre à cause des teintes jaunes dont se pare le rouge. La fumée s’échappant de la ville forme un monstre, un géant, qui semble danser au-dessus de la tête des habitants. Les traits de pinceaux sont précis, apparaissent à des endroits marqués par la technique de l’illustratrice qui semble nous balader afin de mieux rendre la magie de son dessin palpable. Quand il s’achève, tout prend sens, les derniers ajouts de matière étant précieux et terminant le dessin de façon définitive.
Magie.
La magie du dessin est incroyable. Nous avons l’impression d’assister à un film avec une bande-son calée à merveille sur les éléments dramatiques que nous percevons. Tout est dans le rythme, à la fois de la « calligraphie » de Raphaëlle Macaron (les scènes qu’elle dessine/peint sont une danse), et de la musique d’Acid Arab qui réveille les émotions. Tout se fait sans heurt, dans un ballet de musique, d’image, d’émotion, de force, de douceur, de douleur et d’apaisement. Nous sommes hypnotisés, électrisés, bousculés parfois, mais toujours rassurés par la suite.
Quand le concert prend fin, nous avons la sensation d’avoir assisté à une parenthèse, loin du bruit et de la fureur que, pourtant, les illustrations montraient. Nous nous sentons un peu groggy, sonnés, mais aussi flottants, comme dans une bulle qui s’élèverait dans les cieux. Cet état d’apesanteur ne nous a pas quitté du week-end, comme une magie blanche que nos ne voulions pas voir disparaître. Animations ou pas, le résultat reste doucement imprégné en nous. Et ça fait un bien fou.
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