[ALBUM] BROKEN WALTZ, A mysterious land of happiness…

A mysterious land of happiness…, premier album de Broken Waltz (Beast records).

Il y a quelque chose de saisissant, dans cette terre mystérieuse de bonheur, quelque chose de plus sombre, noir, bourbeux, comme un parfum de magie noire, ou de vaudou, ou de blues, celui qui colle aux semelles. Comme si, en quelque sorte, ce nom n’était qu’ironie. Mais, loin de tout manichéisme, même là où rôde la joie, le malheur peut s’inviter. Avec A mysterious land of happiness, Broken Waltz souffle le chaud et le froid, le paradis et l’enfer.

La voix de crooner, d’homme en noir, de Clément Palant, impose l’ambiance. Claire obscure, elle est alourdie par la Basse de Xavier Soulabail. Mince, ces noms vous disent quelque chose ? Pas étonnant puisque nous retrouvons ici les deux membres de Buck, qui nous avait fait si forte impression l’an dernier. Rejoint ici par Pierrot Rault, au sax, en formule trio, le groupe nous entraîne dans les méandres de la noirceur (toujours sans guitare).

Squelettes dans le placard.

On retrouve toujours cette base blues, celle qui imprègne les âmes blessées. Avec une voix sépulcrale, de croque-mort addict à l’alcool frelaté digne d’un western rock et déjanté, Broken Waltz étale son rock aux mélodies maladives sur une tartine qui paraît, à première écoute, pas forcément ragoûtante. Pourtant, à tête reposée, le pouvoir magique des mélodies s’imprègne dans nos vêtements trempés de sueur, de celle des êtres fiévreux, dont le feu sacré semble ne jamais vouloir s’éteindre.

Les mid tempos sont saisissants, puissants, déroulent leur phrasé entre chien et loups. Sur fond de basse, de claviers old school, de sax fantomatique, de choeurs élégiaques, Broken Waltz se démarque de la masse en évoquant quelques spectres bien connus des amoureux des belles choses (nous ne citerons pas Nick Cave pour ne pas faire comme tout le monde). Les climats sont ici hypnotiques, ensorcelants, comme si nous naviguions là dans une fumerie d’opium et que des vapeurs chelous agissaient directement sur nos perceptions.

On imagine alors une fête des morts au Mexique, un Mardi gras macabre du côté de la New Orleans, un cabaret déglingué peuplé de freaks, de magnifreaks plus exactement, habillés de redingotes rapiécées et de chapeaux haut de forme desquels sortiraient quelques lapins déplumés.

Procession hallucinée.

Nous imaginons aussi une procession d’êtres faméliques, au regard brillant d’un espoir lumineux, avançant, sans se presser vers la Terre promise, la fameuse mysterious land of happiness, celle où les calvaires ne seraient plus qu’un mauvais souvenir. Mais, où que nous allions, nous ne trimballons, finalement, que nous mêmes et nos putrides cadavres.

Pourtant, tout n’est pas noir ici. Il y a un romantisme exacerbé, un univers à la David Lynch, que nous ne comprenons jamais tout à fait, mais qui n’empêche nullement de ressentir les émotions disséminées ici ou là de façon forte, incontournable, viscérale. L’incompréhension impose de se laisser envahir par les rythmiques alanguies de quelques titres, de nous laisser surprendre par les sautes d’humeur de Broken Waltz, et d’espérer que tout n’est pas si noir et sombre qu’il y paraît de prime abord.

Spoken word et chant.

L’alternance entre paroles chantées et paroles parlées dégage un charme particulier. La voix y est, quel que soit le choix, expressive, pleine d’un spleen sevrant de combustible aux 13 titres de l’opus (13 ? un hasard ?). Chamanique par moments, démonstrative, comme celle d’un rabatteur de foire, elle fait le job de façon jubilatoire, qu’elle soit, ou non, accompagnée de choeurs (féminins ou masculins).

Entre appel à l’aide vers un quelconque dieu et expression d’un rejet global de tout ce qui se trame ici-bas, A mysterious land of happiness… bouscule nos certitudes, nos croyances et même nos désirs. Et nous met en situation d’attente incommensurable avant le « tome 2 » prévu pour avril (oui, il s’agit d’un diptyque).

LE titre de A mysterious land of happiness.

On aurait pu choisir, rien que pour son titre, Fuck the guitar player, mais nous ne le ferons pas. En revanche, le titre qui le précède, lui, nous le plaçons en titre de référence de l’album. Il s’agit de Parade et il nous fait un effet pas possible.

Nous le décririons comme une sorte de pow-wow dans une tribu indienne, paumée au milieu du middle-west, avant que les cow-boy ne débarquent. Nous imaginons une cérémonie, conviant les âmes perdues des combattants, pour leur dire, peut-être, un dernier au revoir. Forcément, nous n’avons pas décrypté les paroles qui disent sans doute totalement autre chose, mais le pouvoir de la musique est justement de nous laisser entrevoir ce que nous désirons. Et c’est ce que nous inspire Parade.

broken waltz a mysterious land of happiness

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