[ ALBUM ] ARNAUD LE GOUËFFFLEC, L’orage, poésie électrique.

L’orage, nouvel album d’Arnaud Le Gouëfflec, disponible le 15 mai chez L’église de la petite folie

L’orage porte bien son nom. Comme le phénomène météorologique, le nouvel album d’Arnaud Le Gouëfflec est tendu d’une électricité statique qui ne demande qu’une chose, exploser. Alors, par sa plume et sa voix, plus « calmes », le Brestois circoncit la foudre pour un album en forme d’entre deux, entre tempête et quiétude.

Électricité.

Dans L’orage, tout est histoire de tension. Vous savez, comme lorsque vous passez à proximité de lignes électriques et que vous entendez ce bourdonnement incessant qui nous dit qu’il vaut mieux ne pas s’y frotter. Avec L’orage, nous sommes dans le même ordre d’idées. Dès le premier titre, nous sentons ce bourdonnement nous investir, se propager à l’ensemble de notre corps comme il se propage à l’intérieur de chaque titre du LP. Il ne s’agit pas d’une déferlante qui ravagerait tout sur son passage, mais d’un élément omniprésent qui nous indique que le ciel peut rompre à tout moment.

Cette électricité, nous la retrouvons développée par les guitares, évidemment, par des nappes de clavier, par une batterie présente, qui sait appuyer là où il faut, et surtout quand il faut (autrement dit, nous ne sommes pas là dans un trop qui deviendrait vite indigeste. Autrement dit bis, le batteur est absolument parfait dans son jeu et sa présence). D’autres instruments se mêlent à la fête, plus acoustiques, néanmoins l’homogénéité du son de L’orage reste à dominante électrique. Quelques éclairs viennent zébrer le ciel, des petites fulgurances qui corsent un peu la musique du Finistérien.

Contraste.

Le premier contraste survient dès l’entame du disque. En effet, la voix, quand elle se pose sur Beau pêcheur, détone. Elle est douce, calme, tout en une sorte de lenteur détaché et nous fait parfois penser à celle de Miossec. Elle donne parfois l’impression d’être un peu hors du champ, comme détaché, paraît parfois fragile, parfois hésitante, même si nous sentons une force de conviction dans celle-ci, une force qui brave la tempête vaille que vaille, comme si son chant pouvait contrecarrer, mais avec respect, les plans de la nature.

Mais surtout, elle dégage une quiétude, un esprit presque zen, un peu comme si elle était emplie d’une sagesse séculaire, une sagesse de celui qui a connu les tourments intimes les plus violents qui soient et qui en est sorti grandit, plus sûr de lui. Alors, elle se pose délicatement, surfe sur les roulements de tonnerre, éclaire le ciel qui s’obscurcit, nous ouvre un chemin dont les contours sont balisés (parce qu’elle en a débroussaillé les abords). C’est-à-dire que nous n’avons plus qu’à nous laisser guider, qu’à progresser sans crainte car la voix d’Arnaud Le Gouëfflec est comme un phare qui trouerait les ténèbres.

Poésie.

Les textes, eux, sont poétiques. L’écriture d’Arnaud Le Gouëfflec est à l’image de sa voix, posée, évocatrice d’une sagesse, d’un vécu, d’une mémoire. La forme est poétique, mais le contenu, à l’image de la musique qu’elle sert (ou inversement), est électrique, presque révolutionnaire (révolution intime de celui qui comprend ce qui l’entoure). Les deux ne sont pas incompatibles car l’auteur les marie à merveille.

Peut-être pouvons-nous tout au plus déceler deux ou trois imperfections, des phrases parfois un peu lourde. Cela ne concerne que deux refrains qui, du coup, tournent un peu en tête et à l’obsession. Celle-ci est cela dit rapidement balayée par la qualité des autres textes. Dans cette poésie, nous sentons une certaine nostalgie, pas amère, un esprit qui essaye d’aller de l’avant, en se nourrissant de son observation sur le monde, sur ses travers, ses errements, mais également sur sa possible évolution positive.

Au final, L’orage est un album qui évolue dans deux univers que nous aurions pu croire antinomiques, mais qui révèlent une richesse au départ insoupçonnée, en jouant justement sur ce paradoxe tension relâchement. Le disque révèle dès lors ses secrets, dont des arrangements plein de subtilité qui le parcourt. Cet orage-là n’effraie donc pas, il rassure sur l’humanité dont il est chargé.

LE titre de L’orage

Pour nous, le titre de L’orage est Un blasphème. Pourquoi ? Son gimmick de refrain est imparable « Je t’ai composé / le plus beau/ des blasphèmes, à deux voix (féminine/masculine), le tout porté par des sonorités post rock (comme sur l’ensemble du disque que nous qualifierions de chanson post-rock) évoquant un autre finistérien (d’adoption lui) Robin Foster. Le rythme sur ce titre est peut-être parmi les plus légers de l’album, le plus entraînant à coup sûr. C’est celui qui symbolise, du moins musicalement, l’éclaircie.

interview arnaud le gouefflec l'orage

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