[ ALBUM ] HILA, 21 incursions électro jazz organiques
Nouvel album 21, par Hila (disponible chez UnderDog Records)
L’électro possède autant de visages qu’il y a d’êtres humains sur la planète, et c’est ce que nous démontre Hila avec son album, ou mini-album (la frontière étant mince), 21. Mélangeant sons organiques et électroniques, instruments acoustiques et numériques, jazz et aspects métissés world music, le disque s’avère captivant.
Hila.
Hila, c’est avant tout un duo de bidouilleurs malins comme tout. Artyom Manukyan et David Kiledjian, dit Dawatile, sont en effet aux manettes, jouant aussi bien des programmations que du violoncelle. Si l’un élabore des rythmiques originales, l’autre tisse des nappes organiques pleines d’espace, et d’images. Celles-ci seraient de l’ordre de montagnes sur lesquelles paîtraient quelques chèvres surveillées de loin par un berger enturbanné. Le sable volerait sur cette terre aride mais pleine de mystère.
La dualité occident/(moyen) orient tape dans le mile. Le côté ancestral de l’un se heurtant, ou plutôt se mariant avec harmonie, avec le côté plus robotisé de l’autre. Dans les deux cas néanmoins surgit un aspect organique fort. Les beats possèdent en effet une profondeur, comme celle d’un fût à la peau détendue, tandis que les structures remontent à quelque chose d’archaïque, comme un cri provenant des tréfonds de nos histoires, même si elles ne sont pas communes. Là réside la magie de Hila : produire des images ciblées qui déversent par torrents des idées ingénieuses pour conclure à une universalité dans laquelle chacun peut se reconnaître.
21.
Cet album, ou mini-album puisqu’il ne dure que 29 minutes et 50 secondes, pour 8 titres, délivre ses saveurs dès le premier titre Perfect fifth. Sur un tempo plutôt lent, une voix nous raconte une histoire (la sienne?). Surviennent alors des instruments acoustiques, des beats minimalistes, une atmosphère légèrement rétro. Passé au travers de filtres, sur plusieurs titres, la musique en effet se pare de reflets sépia, laissant s’exprimer un grain à la fois rugueux et doux, un peu l’image de ces souvenirs que nous couvons jalousement dans notre mémoire.
Quand les aspects plus modernes surgissent, ils n’écrasent pas tout. Nous gardons toujours cette petite touche rétro, pas vintage, pas désuète, juste rétro. Elle trouve autant sa place que les beats électros qui ne dénaturent en rien le caractère d’apparence sacré de la mémoire. De la même façon, en intégrant des instruments acoustiques, et traditionnels à sa musique, Hila nous ramène vers un sentiment d’appartenance à un territoire. Ici, il s’agirait d’un pays qui pourrait être l’Arménie (si l’on s’en réfère aux noms de deux membres du groupe ou au différents musiciens présents sur cet opus), ou un pays plus à l’est encore. Au final, qu’importe véritablement le lieu, tant que l’imaginaire fonctionne à plein régime.
Voyage immobile.
Avec ce voyage immobile (pour nous qui l’écoutons), Hila propose une musique électro bigarrée, variée, multi-visage, hors cadre préalablement établi par l’obsession d’appartenance. Traditionnel, jazz, expérimental, électronique, son univers s’étend sur plusieurs frontières, les abolit totalement pour ne faire ressurgir que le côté intime de sa démarche. Cela nous touche car l’émotion n’est jamais vaine, elle s’impose à nous plutôt que le duo nous force à l’accepter.
Les textures sont ici savamment travaillées, la production y est au diapason, mettant en exergue le côté humain de ce disque pourtant électronique. Il n’est pas question d’intelligence artificielle, mais bel et bien de l’exposition d’une âme millénaire qui ne cesse de renaître des offenses lui étant infligées. Un très beau disque, surprenant par bien des aspects, qui ne ment jamais.
Suivre Hila sur FB
On pense à Jean du voyage