Sortis en 2022. Rattrapage 2.
ADA ODA – VENUS D’ARGENT
Nous poursuivons notre remise à niveau de l’année 2022 avec des disques que nous avions mis de côté, avec l’espoir de les chroniquer un jour. C’est chose faite avec ce rattrapage 2 commençant par un disque post punk chanté en italien.
ADA ODA (disponible chez 62 TV records)
Eh oui, Ada Oda s’exprime en italien dans un genre 100% anglais, tout en étant Belge d’origine. Alors pourquoi parler de ce énième groupe post punk ? D’une part, l’usage de l’italien donne une dimension particulière à ce disque, un parfum presque exotique. Le fait de ne pas comprendre la langue ajoute une petite touche de mystère, nous obligeant à nous fier à nos ressentis quant aux intentions du groupe plu qu’au sens propre qui découle des paroles.
Nous sentons ainsi, pêle-mêle, de la joie, un côté que l’on imagine descriptif d’une situation sociale, par exemple, une colère parfois un peu froide (qui transparait par l’intensité du chant, par des attaques parfois plus tranchantes), un peu de mélancolie teintée de nostalgie. Aidée par des instrumentations souvent froides (les guitares sont cristallines et métalliques, rendant le climat parfois presque polaire), mais par une basse qui réchauffe sensiblement l’atmosphère, lui conférant un groove appuyé mais jamais ostentatoire, les compositions nous embarquent sans tarder avec elles.
Respect et modernité.
D’autre part, les compositions jouent la carte du respect en infusant dans sa musique une esthétique 80’s pas du tout désagréable, remise au goût du jour avec des compositions malignes, dynamiques, souvent empreintes d’une très légère (auto)dérision. Pour autant, nous sentons ici un hommage appuyé à ce genre musical auquel Ada Oda insuffle une bonne dose de fraicheur.
Les compositions, très bien produites en ce sens qu’elles ne perdent jamais en mordant, sont variées, alternent les paysages rythmiques et sonores de l’album. Ainsi, la variété de celles-ci nous permet de ne jamais ressentir de lassitude. Une mention bien en ce sens au titre de milieu d’album La Maschera qui, débutant sur une base acoustique, rompt avec les titres précédents, apportant une respiration bienvenue. Le « slow » qui en découle nous charme à 100 %.
Ce disque, parfaitement équilibré, s’avère une très agréable plongée dans un post punk plus original que la seule langue utilisée laisse à l’imaginer. Ce projet qui devait, à l’origine, posséder un chant en néerlandais, a coché la bonne case en se rabattant, grâce à l’un de ces heureux hasards de la vie, sur l’italien. Cette langue comble à merveille les attentes pour qui aiment à la fois la légèreté d’une langue latine et le côté sombre du post punk. Et c’est simplement bien joué !
VENUS D’ARGENT
Disque rock, dans les grandes largeurs, mais s’acoquinant avec la poésie, un peu d’électro, un côté groove très accentué par moments, et une évidence pop concernant les mélodies, Venus d’Argent, quatuor parisien, nous offre un 6 titres d’un peu plus de 25 minutes, de très belle facture. Si les instrumentations laissent une belle place à l’électricité, parfois distordue, parfois agressive, nous retrouvons, par certains arrangements, poindre une douceur bienvenue, contrastant avec ce caractère abrasif présent à la fois musicalement, par les instruments, et par le chanté parlé qui se taille ici une bonne part du lion niveau « chant ».
Les paroles laissent surgir une urgence, parfois oppressante, parfois plus lumineuse, ou du moins agrémentée d’une lueur vacillante d’espoir ténu, même si pessimiste. Mais toujours, ces paroles sont soutenues par une musique inspirée, parfois grandiloquente, déclenchant par un peu de magie une sensation d’intimité, ou de proximité, comme si nous plongions dans la psyché tourmentée du chanteur.
Ample et soutenu.
Dans un cas comme dans l’autre, nous sommes transportés dans des univers forts, souvent colorés, rarement plats. En effet, les reliefs, dus aux ponctuations de voix et/ou d’instrumentation nous font voyager sur un spectre émotionnel à l’ardeur soutenue. On pense ainsi à Pink Floyd, un peu à Muse par cette dimension exaltée, à Octave Noire (les choix de production, cet amour pour les musiques amples), certaine productions jazz rock, mais aussi une approche parfois plus « chanson », un peu à la Bashung, notamment par le biais de ces textes presque psalmodiés, mais avec une dimension peut-être un peu plus ardente et incantatoire.
L’ensemble se développe à la perfection, dressant devant nos yeux un univers romantique, cinématographique, ardent, passionné et aussi, peut-être un peu, auto-destructeur (sur L’accident notamment). Mais jamais, au grand jamais, il ne dérive vers une expression sans âme et sans pudeur dont le seul but serait de nous en mettre plein les mirettes en brassant un air tiède.
En ce sens, Vénus D’Argent nous brule les tympans et nous réchauffe de l’intérieur. À découvrir sans tarder.
Patrick Béguinel