MUSIC FROM THE ARCHIVE, Early works Vol.2

MUSIC FROM THE ARCHIVE, Early works Vol.2Compilation de prestige, ATA Records.

Nous n’avons pas pour habitude parler de compilation, mais celle-ci, ce Early works vol.2 de Music from the archives (du label ATA Records) est d’une telle beauté que nous ne pouvions décemment pas passer outre.

Le souci fréquemment rencontré sur les compilations est qu’elles mettent en avant des artistes d’un label, donc d’une certaine vision éditoriale, mais dont l’unité peut être, ou est, souvent aléatoire. Enregistré à des périodes différentes, sur des consoles différentes, avec des instruments différents, les morceaux peuvent ainsi subir des interférences fortes, qu’il s’agisse de volume et/ou de mastering, de grain, de qualité. Mais Early works vol.2 donne l’impression inverse. En fait, c’est comme si nous écoutions, malgré des styles musicaux variés, le disque d’une seule et même personne, ou d’un même groupe.

Homogénéité parfaite.

Le son, d’un titre à l’autre, ne bouge pas d’un iota, enfin rien qui ne soit rédhibitoire en tout cas. Il favorise notre immersion dans ces archives d’une manière plus que convaincante, puisque, une fois Bus stop boogie lancé, nous ne ressortons du disque, majoritairement instrumental (plus de la moitié des titres sont exclusivement instrumentaux ou à grande dominante instrumentale), qu’une fois celui-ci achevé.

Les styles abordés sont tous orientés autour du groove, d’un funk jazz, parfois teinté world music ou psychédélique, d’une redoutable efficacité, avec sur les parties chantées un aspect soul assumé. Musicalement, nous sommes dans ce mélange entre rythmique pure, mélodies surgies d’on ne sait où, souvent, toujours, d’une rare sensualité. Lunartics par exemple nous rend tout chose tant la voix de la chanteuse dégage un érotisme troublant, du genre de celui qui nous fait tomber amoureux avant que l’on ne s’en rende compte.

Cette sensualité peut avoisiner l’Amérique du sud (comme sur Secret Universe), le jazz ( The hardest day), le funk pur et dur ou bien l’odyssée cosmique free ( In pursuit of Shai Hulud). Les guitares ne sont quasiment jamais mises en avant, en revanche basse et piano le sont, pour des résultats simplement bluffants. Et le plus surprenant, c’est que les artistes proposés nous sont pour la plupart totalement inconnus. Mais quelle qualité ! Cette compilation nous donne qu’une seule envie : découvrir les œuvres complètes de chaque artiste ou groupe qui y figure.

Voyage autour du globe, vers l’infini, et au-delà !

Il commence, ce voyage, avec The Harmony Society et Bus stop boogie. Le titre nous replonge dans un funk très New Yorkais, dans notre imaginaire fantasmé, mais nous évoque aussi la première période de Michael Jackson, avec les 4 autres Jackson. Léger, plein d’une chaleur presque candide, le titre invite au lâcher prise (et ne pouvait qu’être proposé en introduction de Early works vol.2) en proposant une mélodie instantanée et une joie de vivre qui fait du bien par où elle passe.

Suit le très jazzy Bang Bang Boogaloo de The Joe Tatton Trio. Piano, contrebasse, batterie, handclaps, la salsa n’est jamais très loin, mais avec cet indéfinissable groove coloré, explosif, raffiné également (mais ce raffinement parcourt tout le disque, avec une égale réussite, ce qui est d’autant plus surprenant que le spectre musical y est large).

Lunartics donc, de Ivan Von Engleberger’s Asteriod nous fait une très forte impression. Voix féminine mixée bas, parfois presque susurée, ou à la limite inaudible, groove en dehors du temps, piano aux contours proches du tango sur la fin du titre, et paradoxalement proche également d’une forme de glam rock que n’aurait pas renié Ziggy Stardust, le titre s’avère spatial. La voix, torride, est d’une troublante beauté.

Une exigence accrue.

L’exigence esthétique et artistique est l’une des fondamentale de cette compilation. Secret universe poursuit le voyage avec tact et réussite. Avec ce titre, c’est également un funk chaud, qui nous évoque les années 70, du côté de la côte ouest des États-Unis, du côté de San Fransisco (mais tout cela n’est que fantasme ou imaginaire imprimé par des séries américaines). La basse tourbillonne, imprime son motif répétitif tandis que la guitare virevolte juste au-dessus, très jazzy dans l’âme elle aussi, mais avec ce petit truc psyché à la Santana (pourquoi pas ?).

The magnificient tape band propose Heading Towards Catastrophe et poursuit sur le côté instrumental initié avec Secret universe, en partie orientalisé en revanche. L’ambiance y est située quelque part entre les films de SF et un psychédélisme discret (l’orgue y est du plus bel effet, ainsi que quelques vocalises tribales très efficaces). Le motif répétitif et évolutif nous berce, nous déphase lentement de la réalité pour nous plonger dans un ailleurs à l’esthétique forte, légèrement mélancolique et dramatique. Une pièce, là aussi, maitresse.

Help me rompt le tout instrumental pour retrouver l’usage de la parole, avec un chant presque animal, aux relances agressives (mais toujours sexy). Mais les choeurs, ici, sont aussi une véritable belle surprise. Ils complètent la présence féminine en un contrepoint masculin plutôt bienvenu (d’ordinaire c’est plutôt l’inverse, on salue donc ce geste loin d’être anodin). Question musique, on est dans une soul funk de très belle facture, flirtant très légèrement avec le rythme and blues d’antan.

La fête ne s’arrête pas là !

Mais ce disque, décidément nous régale. The hardest day de The mandolory eght se rapproche du jazz, par le versant cuivre, sans perdre cette attaque funky de la basse et de la guitare (tout en pédale wah-wah nous semble-t-il). La batterie, à la cool, sert d’intermédiaire entre les deux genres, s’acquitte de son job d’une manière plus que pertinente. Le son possède ici aussi un grain particulier, que l’on retrouve en filigrane sur toute cette compilation, un poil plus vintage peut-être (et encore…).

In poursuit of Shai Hulud de The Sorceres est notre deuxième coup de cœur de ce Early works vol.2. Et comme le premier, il est aussi un coup de cœur tous genres confondus depuis cette première moitié d’année écoulée. Grosse basse qui roule, mélange batterie/percussions inspiré, flûte envoûtante pour un côté vaguement psychédélique. Quand survient et la remplace le saxophone free en fin de titre, notre sang se met à bouillir. Il y a du génie dans cette composition, dans ces arrangements aussi qui nous évoquent un caractère expérimental inspiré.

When I saw you de The magnificient tape band (oui encore), et une plage alanguie très cinématographique, au groove sensuel, doux comme la promesse d’un été langoureux, où les corps se frôlent, se touchent, s’embrasent. Tout est ici une ode à l’éveil des sens, en toute quiétude. Une plage de sable fin, la mer, une femme, ou pourquoi pas un homme, apparaît soudain, le coup de cœur… Poussée d’hormone, le coeur en ébullition, la fièvre grimpe, sans jamais virer du côté graveleux de la chose. Quelques paroles apparaissent à la fin du titre, qui disent tout : you are so beautiful… to me… Love song impeccable.

Le disque se referme déjà.

The disarays ferme l’album avec deux versions d’Anesthetise me. On ne retient pas la radio edit, mais la version originale. Pas forcément le titre que nous préférons (il en faut bien un), son funk reste cependant très efficace et chiadé. Mais il est peut-être un peu moins original dans son approche que les autres morceaux chantés proposés ici. Néanmoins, la chanteuse possède une force d’interprétation qui force le respect. Voix puissante, conviction, elle rétame la concurrence et nous rappelle les illustres ainées de la chose soul.

ATA records (ou All Things Analogue), basé à Leeds (eh oui !), a donc exhumé de ses archives cette collection de titres, tous plus éloquents les uns que les autres, prouvant la richesse de son catalogue. Il faut savoir qu’avec la pandémie, le créateur du label, Neil Innes, a décidé de tuer son label… Pour mieux le ressusciter. Nouvel agencement des lieux, tri dans les bandes, et surtout re-découvertes en pagailles qui trainaient là et qui n’avaient été publiées nulle part (comme quoi, prendre un peu de recul ne fait jamais de mal).

Ce volume 2 nous montre à quel point cette caverne ressemble à celle d’Ali Baba. De l’or qui coule dans les oreilles, à écouter quand il fait froid (car cette musique vous réchauffe les sangs), quand il fait chaud (la sensualité qui en découle va bien avec le chaud), quand vous allez bien, ou quand vous êtes au fond du trou, vous n’avez aucune raison de passer à côté de cette somptueuse compilation !

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