Ivan CALBERAC, La Dégustation

A déguster sans modération jusqu’au 28 mai au Théâtre des Salinières (Bordeaux)

« La Dégustation », pièce écrite et créée en 2018 par Ivan CALBERAC, a obtenu le Molière de la Meilleure comédie en 2019.

Lorsqu’il s’agit de parler de vin, monter cette pièce à Bordeaux apparaît comme une évidence, presque une nécessité culturelle. Le public, amplement au rendez-vous pour cette première le 05 mai, était visiblement, lui aussi, de cet avis.

C’est à Jean MOURIERE, quatre ans après la création de la pièce à Paris, que nous devons cette mise en scène bordelaise de « La Dégustation », accompagné au jeu par Renaud CALVET, Marine SEGALEN, Alexis PLAIRE et David THEBOEUF.

la dégustation

crédit photo : Clémence Dumondelle

L’histoire en quelques mots

Jacques (Renaud CALVET), divorcé, célibataire endurci, acariâtre, est le gérant d’une cave à vins. Son quotidien est rythmé par les visites de deux personnes : Guillaume, son voisin libraire (David THEBOEUF), qui a deux amours – les femmes et le vin ; et son médecin (Jean MOURIERE), l’ange juché sur son autre épaule, cherchant à modérer Jacques dans sa consommation d’alcool, inquiet pour sa santé. Or, un jour comme tant d’autres, il fait deux nouvelles rencontres qui vont changer sa vie : Hortense (Marine SEGALEN), une femme « très catho », au nom très bourgeois difficile à retenir, et Steve (Alexis PLAIRE), jeune homme en réinsertion. Sa cave étant au bord de la faillite, Jacques accepte d’embaucher Steve afin de bénéficier d’abattements fiscaux. À moins qu’il ne finisse par céder pour faire plaisir à Hortense, qui lui plaît davantage qu’il ne veut l’admettre…

« In vino veritas »

Ce vieil adage a peut-être raison. Au fil de la pièce et des dégustations, les personnages se dévoilent et, loin des stéréotypes derrière lesquels ils se cachaient, des blessures mais aussi de belles qualités humaines se révèlent. Et si l’alcool désinhibe, il faut aussi savoir le modérer, comme les soucis de santé de Jacques, et le bon sens de son médecin, permettent de le rappeler sagement.

Le bouquet de cette pièce est agréable, mais il ne s’agit pas d’une simple comédie sur les vertus et les inconvénients de l’alcool et de nombreuses petites notes se révèlent progressivement au cours de cette dégustation. La cave de Jacques, c’est un peu la caverne de Platon : dans cette boutique où une ardoise, à l’entrée, affiche un énigmatique slogan (« Un jour sans voir est un jour sans soleil »), chacun.e apprend progressivement à y voir plus clair dans sa vie.

crédit photo Clémence Dumondelle

En nuances

Commence alors un chassé-croisé d’introspections. Steve (interprété par un Alexis PLAIRE au jeu généreux et touchant) se découvre une vocation. Hortense affirme et assume une décision qui bouleversera sa vie. Jacques affronte un passé traumatique ; ce bourru solitaire réapprend à aimer. Son amour du vin, personne n’en doutait, il n’y a qu’à voir avec quelle passion méticuleuse il en parle (servie par la verve de Renaud CALVET, nous faisant voyager parmi les cépages – nous avons presque le goût du vin en bouche lorsqu’il parle). Guillaume, le goujat un brin macho, se teint progressivement de notes plus touchantes et deviendrait presque sympathique, dans un jeu sensible et tout en nuances proposé par David THEBOEUF. Le médecin (Jean MOURIERE) observe tout cela de son œil extérieur, témoin bienveillant des évolutions individuelles.

Ce retour à la lumière semble orbiter autour du personnage d’Hortense, interprété à merveille par Marine SEGALEN, solaire, radieuse dans ce rôle tout en douceur. Hortense va devenir le catalyseur des autres personnages, maïeuticienne à bien des titres, sage-femme mais également élément déclencheur des remises en question individuelles.

Et alors que chacun.e pourra se reconnaître dans l’un – ou plusieurs – de ces différents parcours si humains, si touchants, la pièce nous laisse sur une note optimiste, qui donne envie, à l’instar de Molière, de nous écrier :

« Buvons, chers amis, buvons :
Le temps qui fuit nous y convie ;
Profitons de la vie
Autant que nous pouvons. »

Claire Poirson.

claire poirson

Crédit photo : Chris Seyner

Claire Poirson est metteuse en scène de la compagnie L’Extra théâtre (Bordeaux), directrice de la collection Entr’Actes (théâtre) aux éditions Ex Aequo, professeuse d’écriture théâtrale, autrice (notamment du recueil Le chemin des étoiles) et comédienne. Aimant travailler la synergie entre les disciplines artistiques, elle pratique la flûte traversière, les arts martiaux, le cirque, la peinture, le dessin et, d’un naturel curieux, elle aime visiter différentes formes artistiques et esthétiques.

 

 

 

 

 

 

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