SERGE MUSCAT Entretien avec un homme curieux et conscient
Interview Serge Muscat
Découvrez notre entretien avec l’auteur de ce mois de juin, à savoir Serge Muscat. Une façon de découvrir un peu qui il est et ce qui le pousse à écrire.
Es-tu un homme de bibliothèque, de kiosque ou de librairie ?
LITZIC : Bonjour Serge. La première question est très simple,
comment vas-tu ?
Serge Muscat : Je vais bien. J’ai en ce moment des projets d’écriture qui prendront la forme d’articles assez longs. Ensuite ils seront réunis en recueil, comme beaucoup d’auteurs le font. C’est à l’approche du printemps et de l’été que je me sens le mieux pour rédiger. L’hiver est pour moi une épreuve car je n’apprécie pas du tout cette saison.
L : Quand nous arrivons du ton blog, nous tombons quasiment instantanément sur un article relatif aux différents types de lecteurs. Toi-même, es-tu un homme de bibliothèque, de kiosque ou de librairie ?
Serge Muscat : Quand j’étais adolescent j’achetais des magazines spécialisés chez le marchand de journaux. Puis par la suite j’ai totalement cessé de lire des magazines et je me suis tourné vers les revues que l’on trouve exclusivement en librairie et par abonnement. Aujourd’hui encore, je lis beaucoup de revues que j’achète surtout chez les bouquinistes et aussi sur internet.
Lorsque j’étais jeune étudiant je lisais beaucoup en bibliothèque et j’empruntais également beaucoup de livres et de revues. Pour certains travaux le recours aux bibliothèques est parfois incontournable, surtout s’il s’agit de consulter des documents anciens ou très récents. Donc je suis toujours un lecteur de bibliothèque même si j’achète beaucoup de livres en librairie. Lorsque je sais exactement aussi ce que je recherche, je ne me prive pas de commander des ouvrages sur des sites marchands en ligne. Enfin, en ce qui concerne la presse quotidienne, je la lis essentiellement sur le web.
« La littérature s’adresse surtout aux émotions, alors que l’essai concerne beaucoup plus la réflexion pure. »
L : Peux-tu nous expliquer un peu qui tu es, quel est ton parcours ?
Serge Muscat : Mon parcours est assez compliqué et également un peu décousu. Pour simplifier je dirais que j’ai commencé par étudier la psychologie et j’ai vite été déçu par les enseignants qui dispensaient cette discipline. Je me suis alors tourné vers la littérature, l’histoire des sciences et la sociologie. Toutes ces matières me semblaient intriquées dans des boucles systémiques. J’ai également étudié les sciences de l’éducation et fait un peu de biologie. Ces domaines sont passionnants mais il n’y a malheureusement que 24 heures dans une journée, ce qui fait que nous sommes limités dans notre investigation. Je suis dans une quête inachevée du désir de découverte. J’ai pas mal travaillé en tant que documentaliste dans des bibliothèques et aussi dans l’informatique documentaire. Ce qui fait que l’univers des bibliothèques m’est assez familier et je sais comment y circuler.
L : Quelle place occupe la littérature dans ta vie ? Quels sont tes premiers souvenirs de lecture, tes auteurs fétiches, les livres de chevet qui t’accompagnent depuis de nombreuses années ?
Serge Muscat : Les deux auteurs dont je garde un souvenir intense sont Jules Verne et Léonard de Vinci. Ce sont probablement eux qui m’ont donné un goût profond pour les sciences et la littérature. Je n’ai plus eu ensuite d’auteurs fétiches arrivé à l’adolescence. Je ne suis pas un spécialiste, donc je ne pratique pas le fétichisme sur un auteur ou un groupe d’auteurs. Un auteur en chasse un autre et tout évolue. Bien entendu il y a des auteurs avec lesquels mes idées s’accordent un peu plus facilement. Paul Feyerabend, Hartmut Rosa et Paul Virilio sont par exemple des auteurs que je lis et relis.
L : Tu écris des essais mais également de la littérature. Tes essais sont aussi très littéraires dans leur forme. Quels points communs trouves-tu dans ces deux exercices en dehors du fait d’écrire ?
Serge Muscat : La littérature s’adresse surtout aux émotions, alors que l’essai concerne beaucoup plus la réflexion pure. Bien entendu, raison et émotions sont liées. En ce qui concerne la littérature, je n’écris pas de romans. Uniquement des nouvelles, de la poésie et des micro-récits. Je privilégie la forme courte. Borges n’écrivait que des nouvelles et Cioran privilégiait les aphorismes. Mes écrits sont courts mais aussi fragmentaires. Un texte a une fin arbitraire et l’écriture est sans fin. De ce fait, un fragment est également un texte « fini ». De plus j’aime traiter de nombreux sujets variés, et la forme courte s’y prête bien. C’est pour cette raison que je publie beaucoup d’articles dans les revues. Ce n’est pas vraiment du journalisme car mes textes reposent sur une réflexion théorique et non sur des faits à relater d’une manière fidèle. Je reste assez universitaire dans la manière d’écrire les textes.
« Je dirais comme Cioran que la plus grande tragédie est de venir au monde. »
L : Nous percevons un certain pessimisme en lisant les pensées présentes sur ton site. Te considères-tu comme étant effectivement pessimiste ou plutôt réaliste, ou alors nous prends-tu véritablement à contre pied en étant de nature plutôt optimiste ?
Serge Muscat : Je dirais comme Cioran que la plus grande tragédie est de venir au monde. De ce point de vue, je reste pessimiste sur l’existence humaine, tout en sachant que l’optimisme prendra le dessus puisque l’humanité se perpétue. Lorsque je vois des courants de pensée comme celui que propose le transhumanisme avec l’avènement du post-humain, je me dis qu’être optimiste ou pessimiste n’a peut-être pas une grande signification. De plus tout dépend de l’échelle de temps que l’on prend en considération.
L : Tu as publié un essai « Walter Benjamin et la photographie à l’avènement de notre post-modernité ». Une galerie photos est également présente sur ton site. Quelle place occupe-t-elle dans ton quotidien ?
Serge Muscat : Avec le développement des smartphones, la photographie a pris une place de moins en moins importante dans ma vie de tous les jours. Notre époque est envahie par un déferlement d’images justement prises par ces smartphones. Pour ma part, je ne me sers pas cet objet pour réaliser des images. Et d’une manière générale, je fais peu de photographies. Par contre je m’intéresse à ce nouveau phénomène qu’est l’image numérique et je tente d’en tirer des théories. Dans l’histoire des techniques la photographie est récente et il est intéressant de voir comment elle modèle notre imaginaire. Les nouveaux dieux sont devenus des images sur des écrans numériques. Aussi est-il important de comprendre les mécanismes qui participent à cette idolâtrie.
L : Penses-tu que l’écriture réussisse à capter une pensée, l’air du temps, aussi bien qu’une photographie ?
Serge Muscat : Le langage décrit le général, même si on tente de le singulariser, alors que la photographie repose sur la singularité. D’autre part, l’information visuelle est d’une grande richesse, mais sans le langage on peut très bien « ne rien voir » de ce qui se présente à nous. Je pense que l’écriture est tout autant apte à saisir l’air du temps que la photographie. Les deux sont complémentaires. Les concepts ont un rôle important dans notre perception visuelle. Si l’on montre une photographie à un indigène d’Amazonie, il ne verra probablement pas du tout la même chose qu’un occidental. De plus la manière dont on fait des photographies reflète déjà en elle-même l’air du temps, tout comme la façon de parler et d’écrire.
Pink Floyd, Kubrick
L : Si tu ne devais en citer qu’un :
Serge Muscat : film : 2001 l’odyssée de l’espace
disque : Pink Floyd, Atom Heart Mother
artiste ou œuvre d’art : Giacometti
L : Question toute bête. Depuis quand écris-tu et qu’est-ce qui a motivé la prise de la plume chez toi ?
Serge Muscat : Comme beaucoup d’écrivains, j’ai commencé à écrire réellement lors de mes études universitaires. Il me semble que c’est à ce moment précis que l’on sait si l’on va continuer à écrire, lorsque l’on rédige des travaux pour des enseignants.
L : D’ailleurs, plutôt plume ou clavier ?
Serge Muscat : En ce qui concerne ma façon de travailler, j’écris dans des cahiers avec un simple stylo-bille. Il me semble que c’est la meilleure méthode car on ne peut pas prendre des notes furtives avec un ordinateur. Une simple feuille de papier offre plus de liberté que les contraintes d’un traitement de texte.
L : Si tu n’avais pas écrit, te serais-tu tourné vers un autre média pour t’exprimer ? Quelles sont les formes d’art qui te touchent. Tu parles de Giacometti. La sculpture en est-elle une ?
Serge Muscat : Je pense que si je n’avais pas choisi l’écriture, je me serais tourné vers la photographie. C’est l’art avec lequel je me sens le plus à l’aise. Pour ce qui est de la sculpture, j’ai déjà du mal à fixer au mur des étagères, alors travailler la matière dans les moindres détails est pour moi un rêve inaccessible.
L : Grand connaisseur de Pink Floyd nous-même, et de Kubrick également, qu’est-ce qui te parle chez eux ? Nous avons le sentiment que le « mouvement » est quelque chose de prédominant dans tes écrits (mouvement sociétal ou idée du temps qui évolue), sommes-nous dans le « vrai » ?
Serge Muscat : Les Pink Floyd ont été un tremblement de terre dans le monde de la musique. C’est l’inventivité sans limites et ils furent les premiers à incorporer toutes sortes de bruits à leurs mélodies, des bruits de sonar, de moto, de caisse enregistreuse… C’était un véritable ovni musical. Du reste, à leur suite, de nombreux musiciens ont repris ce concept.
Pour ce qui est de Kubrick et de 2001 l’odyssée de l’espace, ce film représente pour moi l’art du cinéma le plus abouti. Le cinéma est avant tout un art de l’image et n’a pas grand-chose de commun avec le théâtre. Avec 2001 chaque plan est soigneusement élaboré jusqu’au plus infime détail. Stanley Kubrick a commencé sa carrière en tant que photographe, et l’on sent l’influence de la photographie dans la composition de ce film.
En effet le temps qui passe me préoccupe beaucoup. Et je me pose beaucoup de questions sur le devenir de l’espèce humaine. Les questions sur le futur sont un puits sans fond, alors j’essaie de regarder les changements de la société et d’analyser les traits les plus saillants qui me semblent être les prémisses d’un futur proche.
« Bien entendu il y a des choses qui me déçoivent, notamment lorsque je vois tout le monde ou presque en train de regarder son smartphone. »
L : En tant qu’homme curieux et avide de connaissance, n’es-tu jamais déçu de ce qui se propose à toi ?
Serge Muscat : Le progrès semble sans fin. Bien entendu il y a des choses qui me déçoivent, notamment lorsque je vois tout le monde ou presque en train de regarder son smartphone. Mais je m’aventure là sur un terrain glissant, aussi je n’en dirai pas plus.
L : Quels sont tes projets à plus ou moins court terme ? Nous avons bien noté que tu préparais un ouvrage/recueil regroupant plusieurs de tes textes. As-tu une idée de la date de sa parution ?
Serge Muscat : J’envisage de continuer à écrire des articles critiques sur divers sujets de société. Mon prochain ouvrage sera un recueil d’articles publiés dans de nombreuses revues. Je n’ai pas encore de date précise pour sa parution.
L : Que peut-on te souhaiter dans les jours, semaines, mois à venir ?
Serge Muscat : Bien je crois que la chose la plus importante que l’on pourrait me souhaiter serait d’être en bonne santé. Car c’est la condition première pour continuer à travailler sur de nouveaux sujets.
L : Merci beaucoup d’avoir répondu à cet entretien Serge Muscat.
Retrouvez le portrait de Serge Muscat ICI
Retrouvez également ses « Notes sur l’accélération continue et ses limites » première partie ICI, seconde partie ICI
Site de Serge Muscat