DISQUES CULTES DE LITZIC The Delano Orchestra
Now that you are free my beloved love de The Delano Orchestra
Il y a des disques qu’il convient d’écouter dans certaines conditions. Comme religieusement. Now that you are free my beloved love de The Delano Orchestra est de ceux-ci. Alors attendez le soir venu, attendez que la circulation se tarisse (de façon à ne subir aucune interférence), éteignez la lumière, poussez le volume au maximum et laissez vous guider.
Un disque différent.
Dès les premières secondes, nous sentons que nous sommes en possession d’un objet unique. Tout commence à un volume si bas que nous nous demandons si le disque est bien lancé. Il y a là quelques notes, une nappe dirions-nous plus exactement, de violoncelle. Quelques frottements de tissus, quelqu’un qui tousse aussi. Puis une voix retentit, douce, fragile car elle n’est qu’un souffle, parfois chevrotant, comme si le chanteur se trouvait proche de la rupture.
La batterie surgit, en compagnie de la basse, sporadiquement, tandis que la guitare dispense quelques notes plaquées sur des accords espacés. Puis l’électricité arrive, reléguant le volume sonore si bas du début de l’album au rang de souvenir. La tension monte, inexorablement, cheval lancé au galop qui nous entraîne dans une montée vertigineuse du son, des émotions. La voix lead est renforcée par les chœurs discrets (ils seront là tout au long de l’album), la batterie est lancée, maîtrise les mors de la bête tandis que les guitares se lâchent. Nous entrons de plain-pied dans Now that you are free my beloved love.
Capté en condition live.
Ce disque est atypique. Il a été capté live, d’une seule prise croirait-on (les frottements des vêtements, les éclaircissements de voix captées par un micro oubliés dans un coin de la pièce, le déplacement des membres du groupe entre deux morceaux laissent à le penser). Les deux premiers morceaux sont rock, gorgés d’électricité, de tension, mais s’inscrivent non pas dans la noirceur mais dans quelque chose de positif, comme un élan, comme une quête de légèreté.
Par la suite, cette électricité se dispute la part du gâteau avec une sorte de folk souvent minimaliste, avec des passages intimes guitare voix sur lesquels viennent se greffer les autres instruments (ou pas).
Jamais voix ne nous a paru si fragile, délicate. Peut-être que ce chanteur n’est pas le meilleur technicien du monde, mais par son souffle léger, il touche au siège des émotions sans manquer sa cible. Les yeux sont paraît-il le miroir de l’âme, il en va de même pour cette voix simple, mixée nue (sauf sur un titre ou une distorsion l’habille). Souvent, des arrangements de cordes, une légère trompette également, assistent aux réjouissances. L’émotion est palpable, difficile à contenir. Nous vibrons, nous laissons envahir par les mélodies, incapable de résister à la simplicité évidente d’un morceau qui nous transporte dans nos souvenirs, dans nos pensées.
Un bloc tout sauf monolithique.
Il y chez The Delano Orchestra une grâce incroyable. Quelque chose qui touche à l’essence même de ce que devrait être la musique. Très aérée, elle laisse parler les blancs. Le silence qui suit Mozart et encore du Mozart, disait Sacha Guitry. Il en est de même ici. Quand une note meurt, nous percevons le grésillement des peaux de batterie, témoins de cette émotion qui sature l’air du studio. Elle sature aussi nos pensées, agit sur notre rythme cardiaque, nous rétame et nous enivre, aussi.
Musicalement, nous sommes en présence d’un groupe qu’à défaut nous caractériserions de post folk (en rapport au post rock de Mogwai par exemple). Jouant tour à tour l’énergie et la quiétude, le calme avant la tempête, The Delano Orchestra maîtrise son art. Nous ne voulons pas faire nos fans, mais ce disque est simplement beau. Le dosage y est parfait, dévoile une personnalité forte, une créativité folle, le tout fabriqué sans vantardise.
Ce disque, dans son magnifique écrin cousu main (une spécificité du feu label Kütü Folk), est un voyage sensoriel saisissant, en plus d’une œuvre musicale riche. Le groupe auvergnat touchait au divin sur ce disque libre. Now that you are free my beloved love ne volait donc pas son nom.
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