DAVID LE GOLVAN, Brutalisme // Un Roman En Béton Brut

david le golvan brutalismeDisponible chez Sans crispation éditions.

“Bonjour Patrick, quelqu’un à prévu d’écrire quelques lignes sur Brutalisme?” – “Non, pas pour le moment” – « Écoute ça me tente bien”. J’ai pris cette décision alors qu’il me restait environ une quarantaine de pages à lire.

Cette demande n’était pas préméditée, plutôt spontanée, je dirais. Jusqu’à présent, je suis plutôt coutumier des chroniques musicales, un exercice bien différent de celui de parler d’un livre. Par conséquent, je ne sais pas si les lignes que vous allez lire pourront être considérées comme une chronique. Je suis avant tout un lecteur, et je vais rester à cette place. Déjà que le syndrome de l’imposteur n’est pas bien loin… je ne vais pas commencer à jouer les critiques littéraires, genre “Le Masque et La Plume”.

C’est donc sans crispation que je vais vous parler du dernier roman de David Le Golvan, Brutalisme.

Fini les ornements et le raffinement

Avant Brutalisme, David Le Golvan avait déjà signé quatre romans, en passant par la Science Fiction (Les Appelants) à la satire politique (Un Commerce Équitable), on encore du polar (L’Agrestie) à une histoire d’amour obsessionnelle (La Rondette). David Le Golvan possède un vrai don d’ubiquité.

Cela peut paraître stupide, mais ce qui m’a plu immédiatement dans ce livre, c’est le titre. Brutalisme. Oui je fais partie des personnes qui peuvent craquer sur un livre sans le lire ou une musique sans l’écouter en ne se fiant qu’au titre. C’est ainsi. Le Brutalisme renvoie en tout premier à un style architectural, né d’une utopie sociale portée par une génération voulant combattre les inégalités creusées par la gentrification.

Ce mouvement a surtout connu ses heures de gloire entre les années 1950 et 1970. Pour comprendre, ce mouvement, c’est en lettres capitales, que nous pouvons visualiser l’aspect extérieur des structures. B R U T A L I S M E. Des formes géométriques mastoc et anguleuses. Le tout majoritairement armé de béton brut. Fini les ornements et le raffinement, place à la simplicité et au dénuement absolu.

Le titre ne laisse rien au hasard

Le titre ne laisse rien au hasard car le narrateur du roman est architecte. Brutalisme. B R U T A L, qui agit avec violence. Et c’est un événement, un geste, d’une âpreté inexplicable et gratuite, qui va conduire le narrateur, Rodolphe Valcourt, dans un état de stress post-traumatique,  à compiler jour après jour, sous la forme d’un journal intime, sa colère, son incompréhension, ses faits et gestes, ses actions.

Comment un événement qui aurait pu être anecdotique pour certains peut bouleverser une vie pour d’autres, allant jusqu’à provoquer une remise en question, que ça soit dans sa sphère familiale et professionnelle ? Peut-être faudrait-il se poser la question dans l’autre sens. Ne serait-ce pas parce que nous sommes dans une période de doute, qu’un événement plus ou moins traumatisant augmenterait le risque d’une mise en abîme. Très rapidement dans le livre, le narrateur exprime son scepticisme et ses craintes sur le but de son métier d’architecte. Le parallèle avec la construction d’une vie est sans équivoque.

“Faut-il y accorder encore un peu de foi, à mon métier, malgré les doutes qui me turlupinent peu à peu?
L’urbanisme, c’est tout le discours, la grammaire de la ville, avec sa logique, ses ruptures, ses trous, ses aberrations, ses erreurs.
J’ai de plus en plus le sentiment qu’aucune de mes réalisations ne prendra le dessus sur une autre; elles s’inscriront dans l’espace comme de pauvres articulations, rien de plus. Des pauses obligées, à un moment donné dans l’histoire d’une ville.”

“Le bousier” qui roule sa merde

A travers ce roman, David Le Golvan aborde plusieurs thèmes. Il pointe du doigt le fait que dans nos sociétés modernes la réussite et l’ascension sociale sont des valeurs positives, des signes de distinction louables. Soyons les premiers de cordée, pour reprendre les propos de notre cher président. Et que le sujet du premier de corvée, du déclin de notre statut social, de notre déchéance est très souvent oublié. “Le bousier” qui roule sa merde.

Pour exagérer le trait, le quidam en costume cravate, parfumé et rasé de près, qui contrairement au sdf, squattant devant la petite supérette en bas de chez vous, aura meilleur presse. L’auteur montre également que personne n’est surhumain, et qu’il est difficile de faire face aux problèmes seul, et met en exergue l’importance de parler, de la communication que ça soit avec la famille, les amis ou avec un bon psy. Que les autres devraient deviner ce qui ne va pas.

Dans les moments les plus durs, bien souvent, ce sont les proches qui trinquent les premiers. En arrière-plan, David Le Golvan aborde aussi le sujet des populations pluriculturelles issues de l’immigration parquées dans des tours de Babel bétonnées, à qui nous ne demandons pas l’avis, et par conséquent, à qui nous imposons nos visions, nos idées, pensant agir pour leurs biens, à l’instar de Rodolphe et de son architecture.

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L’écriture est précise

L’écriture de David Le Golvan est précise et directe, sans aucun superflu à l’image du Brutalisme. La forme renvoie aussi au mouvement architectural, avec ses courts paragraphes répétitifs, pareils à des blocs de béton brut. L’auteur tient son lecteur en haleine, l’histoire est haletante, l’atmosphère inquiétante et n’avons qu’une envie, celle de tourner les pages, les unes après les autres.

Nous nous attachons énormément au personnage qui pourrait être n’importe qui. Vous, nous, moi. Nous avons envie de le prendre et de le secouer, et lui dire “Mais reprends toi, merde”. Par conséquent, le roman nous amène à réfléchir, à se dire que rien n’est acquis dans la vie, et que celle-ci peut basculer du jour au lendemain. Si je devais qualifier ce livre en quelques mots, je dirais que c’est un roman psychologique à mi-chemin entre le film Petits Meurtres entre Amis de Danny Boyle et La Trilogie de Béton, très urbaine, du romancier JG Ballard.

Je vous avoue que j’ai souvent du mal à comprendre que des auteurs comme Marc Lévy, Guillaume Musso, Michel Houellebecq, ou Amélie Nothomb vendent énormément de livres, non pas que j’ai quelque chose contre eux; je ne nie pas leurs talents loin de là. J’ai le même sentiment quand je chronique certains artistes musicaux. Cependant quand je lis un roman comme Brutalisme, David Le Golvan n’a rien à envier à certains auteurs ayant une notoriété ou une couverture médiatique plus large. C’est pourquoi, j’avais fortement envie de prendre le temps d’écrire ces quelques lignes car le livre vaut largement le coup d’être lu. Lisez! Lisez Brutalisme de David Le Golvan!!!

LGH

LGH
(Le Gosse hélicoptère) j’adore découvrir de nouveaux artistes encore inconnus du grand public
et chercher ceux qui dans le passé ont fait ce qu’est la musique aujourd’hui.
La musique m’accompagne en permanence et tient une place primordiale dans ma vie.
Mon maître-mot est l’éclectisme même si mon cœur balance pour le rock sous toutes
ces formes. J’affectionne également la littérature et plus particulièrement la littérature
anglo-américaine (Bret Easton Ellis, Don Delillo, Jonathan Franzen,…).

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