THOMAS GUTKIN, Dans l’attente du passé

Thomas gutkin dans l'attente du passé

smart

Nouvelle parue chez Lamiroy (opuscule#193)

5000 mots pour une nouvelle, celle de Thomas Gutkin, Dans l’attente du passé, qui nous transporte dans la tête et l’intimité d’un collectionneur compulsif. Sa passion dévorante pour les « séries », maniaquerie poussée à l’extrême, se trouve être aussi courante concernant les femmes qu’il collectionne sans jamais pouvoir se fixer (elles fichent le camp face à cette passion envahissante). Un jour, sa collectionnite aigüe le place dans une situation complexe, qu’il compte résoudre de la façon la moins humaine possible. Avec humour et un talent de concision qui dit tout, il nous embarque dans cette histoire rocambolesque qui nous dépayse totalement.

Elle nous dépayse car son personnage central ne ressemble à pas grand-chose de connu. Un homme ni mauvais, ni bon, qui ne peut s’empêcher de finir une collection commencée. Mais ici, il ne s’agit pas d’un philatéliste, d’un numismate, d’un collectionneur de capsules de bière, de zippo, il collectionne tout et n’importe quoi. Les femmes de son entourage fichent le camp, incapable de supporter ce travers. Seule une compte à ses yeux, et celle-ci reste à ses côtés jusqu’au jour où…

Virevoltant.

La plume de Thomas Gutkin est à la fois légère, virevoltante, habile (et on aime l’oxymore en guise de titre qui démontre déjà un petit côté taquin), manipulatrice également (car nous nous faisons berner jusqu’au dernier moment), riche, sait appuyer ses effets tout en étant capable de les faire disparaître dans des considérations très personnelles concernant son héro. Dur de ne pas se prendre d’amour (ou d’amitié), pour ce doux dingue dont la vie n’est pas si heureuse (sinon pourquoi entasser pléthore d’objets ainsi?). La relation au père est esquissée, qui nous donnerait bien envie de voir sur un format plus long ce que l’auteur cache dans un recoin de son cerveau.

Pour autant, en ne faisant qu’esquisser ces contours, Thomas Gutkin aiguise notre curiosité, dévoile, mine de rien, les travers d’une famille d’hommes, où les femmes ne sont que des génitrices, renvoyant aux questions actuelles de société et au patriarcat en général. Nous voyons bien que le personnage principal se heurte à un mur lorsqu’il essaye d’imposer sa « chérie ». Choc des générations, remise à plat d’un monde qui change mais dont certains s’échinent à saboter les nouvelles bases. Bon point.

L’autre excellent bon point réside dans cette chute absolument inattendue, pas la première chute (déjà absurde en soi) mais la seconde, dans la dernière phrase de Dans l’attente du passé. Ce point final nous réjouit et nous montre un auteur ayant de la suite dans les idées, un côté pince-sans-rire qui nous fait jubiler, le tout rehaussé par une écriture maligne. En 5000 mots, il nous transporte, déclenche un plaisir de lecture proche des films genre Feel good, ce qui au final ne fait pas de mal, d’autant plus que le verbe est riche et l’univers lexical creusé. Bref, un auteur que nous espérons voir sur un format plus long, un jour ou l’autre.

Opuscule.

Cette petite nouvelle est éditée dans un petit livre qui tient dans la main, très pratique pour le voyage dans les transports en commun, pourquoi pas, d’autant que 5000 mots, c’est vite lu. En moins d’une demi-heure, l’affaire est pliée, mais la nouvelle pourtant reste un petit moment ancrée dans votre esprit, notamment grâce à cette chute appelant à imaginer la suite. La suite de quoi ? On ne peut rien vous dire, sachez juste qu’elle se termine par une question, donc une réponse peut être donnée.

Opusucle est une collection qui propose chaque semaine une nouvelle de 5000 mots (un opuscule autrement dit). Vous pouvez vous y abonner (en tout cas en Belgique, nous ignorons si les abonnements sont valables aussi en France, pour une histoire de frais postaux notamment). Donc chaque semaine, une nouvelle vous arrive, idée plutôt sympa, d’autant plus qu’une telle production nécessite forcément une recherche d’auteurs et autrices permanents, ce qui apporte, nous le pensons, une variété de talents à découvrir. Plus d’infos sur le site des éditions Lamiroy ou sur www.opuscule.be

L’auteur.

Thomas Gutkin est né en 2000, étudie le droit et a remporté plusieurs distinctions lors de tournois d’éloquence et concours de rédaction belges et français. Son écriture « à l’aise », dans Dans l’attente du passé (première nouvelle parue hors recueil), témoigne effectivement d’une maitrise de la langue et d’un ton décomplexé et assumé qui fait parfois défaut à certains textes. Un auteur à découvrir assurément !

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