[AUTEUR DU MOIS ] PHILIPPE SARR, L’interview

philippe sarr interview

Interview de L’auteur du mois Philippe Sarr

Nous avons posé quelques questions à Philippe Sarr, nous vous dévoilons les réponses de notre auteur du mois. Vous pouvez relire les chroniques de ses romans Tagada et Les chairs utopiques, ainsi que sa nouvelles Les habitants du périphérique en cliquant sur les mots en surbrillance. Et maintenant, l’interview !

Questions.

Litzic : Ton premier souvenir de lecture ?

Philippe Sarr : « Le lion ». J’étais en 4é. Je m’en souviens encore très bien car mon prof de français, qui nous avait demandé d’écrire un texte « à la manière de… », avait comparé mon écriture à celle de Kessel. Un sacré beau compliment pour moi à l’époque… !

L : L’auteur qui t’a réellement marqué ?

Philippe Sarr : Des auteurs plutôt : Brautigan, pour son sens très aigu de l’oxymore, ou encore Pessoa, pour sa capacité à vous planter le Réel pile-poil dans les rétines. Mais, je pourrais aussi citer Céline pour son « Voyage », Joyce pour son « Ulysse », ou encore Henry Miller pour son « Sexus ». Sans oublier P.K Dick dont l’œuvre aura longtemps constitué une sorte de phare…

L : Ton bouquin préféré ?

Philippe Sarr : Pareil. Il y en a tellement ! « Ulysse », « Sexus », auxquels il faudrait ajouter « Le gardien de troupeaux », de Pessoa, la poésie faite homme, pour moi… Ou encore « La transmigration de Timothy Archer », de K.Dick, où se mêlent délires mystico-religieux et réflexions philosophiques. Mais comment ne pas citer aussi « Le jardin des supplices », de Mirbeau, roman délicieusement cruel… Ou « L’avortement », de Brautigan, roman d’une rare intelligence. La liste pourrait être encore plus longue…

L : Quel est le bouquin qui t’a profondément déçu ?

Philippe Sarr : « American death trip » d’Ellroy. Roman dont j’attendais beaucoup mais que je n’ai jamais pu finir. Pourquoi ? Je n’en sais rien. Peut-être un problème de « timing » ? Pour autant, je ne désespère pas. Il est toujours là dans ma bibliothèque et rien ne dit que je n’y reviendrai pas un jour…

L : Quand t’est venue la folle idée d’écrire des histoires ?

Philippe Sarr : Très jeune. A une époque où mes soeurs et moi montions des spectacles de marionnettes dans le grenier parental ! Mes sœurs fabriquaient les marionnettes avec des morceaux de tissus et des vieilles aiguilles à tricoter, je m’occupai du scénario. Un vrai bonheur. Je crois que c’est là que m’est vraiment venu le goût d’écrire et celui de raconter des histoires…! Et ça n’a fait qu’empirer par la suite, notamment avec la découverte des auteurs cités plus haut…

L : Ton disque préféré, ton film préféré, l’artiste qui t’a fait découvrir la vie sous un autre angle ?

Philippe Sarr :

– The dark side of the moon », des Floyd ! Combien de fois l’ai-je écouté ? Autant qu’il y a de grains de sable dans le désert de Gobi !…

– « Sailor et Lula », de Lynch, un film tonitruant avec la sublime Laura Dern et un Nicolas Cage au sommet de sa forme ! Vu et revu un nombre incalculable de fois également. Le pied absolu ! Mais il y a aussi « Dead man » de Jim Jarmusch, un film-poème d’une grâce et d’une poésie bluffantes. Ou encore « Gens de Dublin », de John Huston, un chef d’œuvre quant à la manière de filmer les gens, leurs visages, d’en décrypter chaque expression. (Film bien évidemment adapté du recueil de nouvelles éponyme de Joyce).

– Je citerai Nietzsche, qui affirmait je ne sais plus où que « sans la musique, la vie serait une erreur » ; Kierkergaard, pour qui « le vrai désespoir serait de n’en jamais ressentir » ; Camus, pour qui « l’homme révolté ne pouvait qu’être jusqu’au-boutiste » ; et plus récemment, Jean-Pierre Luminet, l’inventeur des « univers chiffonnés »… une théorie du cosmos absolument hallucinante qui bouleverse de manière radicale notre propre perception du temps et de l’espace.

L : Que penses-tu du fait que certaines maisons d’éditions songent toujours à vouloir ressortir Mein Kampf ou les pamphlets antisémites de Céline ?

Philippe Sarr : Jusqu’à preuve du contraire, il s’agit là de livres qui n’ont jamais été interdits, en France notamment. Alors déjà accessibles sur le Net, que des maisons d’éditions se proposent de les éditer ou de les rééditer ne me choque pas en dépit de leurs contenus sulfureux. Des gens, je présume, lisent « Meinkampf » sans pour autant basculer dans le nazisme. D’autres les pamphlets. Ce qui a d’ailleurs été mon cas. A petites doses. Certes, les Juifs (mais aussi les Noirs et beaucoup d’autres), y sont particulièrement malmenés et s’en prennent plein la gueule, si bien qu’on sort de là dégoutés. Cela d’autant plus qu’il s’agit de textes rédigés par l’auteur du « Voyage », ou encore celui des « Entretiens avec le professeur Y », un livre admirable dans lequel Céline parle de son rapport à la langue et à l’écriture. Sur le moment ça t’en fiche un sacré coup et l’envie te prend de bazarder le tout par la fenêtre. Puis, passé le premier choc, tu te rends à l’évidence : ben oui, c’est possible, bien réel même. Piges finalement que l’homme, ce « monstre incompréhensible », comme disait Pascal, est capable du meilleur comme du pire… Donc, oui, plutôt utile d’un point de vue pédagogique…

L : Si tu étais sur une ile déserte, qu’apporterais-tu avec toi ?

Philippe Sarr :  Ma montre à téléportation plus une malle de bouquins, histoire de tuer le temps !

L : Tes projets à plus ou moins long terme ?

Philippe Sarr : Je termine un roman. J’en suis à la phase chirurgicale » : celle où il faut ajouter, retrancher, modeler. La partie la plus chiante. Incontestablement. Celle où l’envie te prend parfois de tout bazarder, alors que tu pensais en avoir définitivement terminé. Aussi, avec des potes écrivains, on s’est lancés il y a quelques mois, dans l’écriture d’un roman évolutif disponible en ligne sur le site de « Bozon2X que chacun peu commenter à sa guise ! A découvrir absolument sur le site de la boite. Ainsi que les productions de l’éditeur, bien sûr !

L : Le mot de la fin ?

Philippe Sarr : On n’en sait jamais assez sur un auteur. Alors, à ceux qui désireraient en savoir plus sur moi je dirai surtout: lisez donc « Les chairs utopiques «  et lisez « Tagada », deux romans publiés chez « Crispation» et « La p’tite Hélène » éditions. D’abord parce que ce sont deux super romans  publiés chez deux maisons hyper cool faisant indéniablement du bon boulot – la preuve avec ces deux bouquins, donc  – et parce qu’elles défendent toutes deux une certaine forme de « bibliodiversité» absolument essentielle à une époque aussi « hyper » normée que la nôtre. Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un œil à leur catalogue : vous n’y trouverez certes pas de noms ni de titres ronflants (suivez mon regard !), mais des auteurs talentueux qui, pour la plupart, ont la niaque et n’ont personnes sur qui compter (à part eux mêmes) pour se coltiner avec les mots. Rien que cela devrait suffire pour que l’on s’intéresse à eux. Et pour cela, il suffit de se rendre sur les sites de ces éditeurs !

Imago, de Philippe Sarr

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