FLORENT LUCÉA Pénétrer l’univers de l’auteur/artiste

florent lucéa luxis luceartistFlorent Lucéa L’interview, deuxième partie.

Retrouvez la première partie ICI

Nous vous invitons à découvrir l’interview que nous avons réalisée avec notre auteur du mois Florent Lucéa. Il s’agit de la deuxième partie de celle-ci, la troisième et dernière partie sera dévoilée.

Litzic : Justement, tu parles de peintures, de dessins. Qui de l’œuf ou de la poule est apparu en premier (autrement dit l’écriture ou l’art pictural ?)

J’ai dessiné avant d’écrire en autodidacte dans un premier temps. Je dessinais presque tous les jours, surtout des créatures monstrueuses, des batailles épiques avec des explosions et des animaux aussi. J’ai toujours eu une passion pour la faune, j’adorais les dinosaures, je regardais des émissions à la télévision afin d’en apprendre plus sur des bêtes méconnues.
Par la suite, avec les rédactions, j’ai pris du plaisir à écrire, mais je lisais déjà beaucoup. Avant d’entrer à l’école primaire, je déchiffrais sans peine le journal de mon grand-père maternel.
À présent, l’art pictural et l’écriture se connectent, s’influencent mutuellement, et je ne me vois pas privilégier l’un au détriment de l’autre. En effet, je les considère comme étroitement soudés, comme l’arbre qui ne peut se passer ni de ses branches, ni de ses racines.

L : Tu évoques ton travail auprès d’élèves en situation de handicap. Que t’apportent-ils d’une part humainement et d’autre part artistiquement ?

Je tisse avec mes élèves un lien unique basé sur le respect réciproque. Tout au long de ces années, j’ai accompagné des jeunes de la maternelle au collège, porteurs de différents handicaps, et j’ai souvent dû mettre en place des outils et des moyens pédagogiques, en concertation avec l’équipe scolaire, afin de les rendre le plus autonomes possible. Chacun d’eux m’a appris beaucoup sur moi-même. J’ai découvert que le fait d’aider les autres, de me consacrer à autrui et d’améliorer, à mon modeste niveau, leur prise en charge me correspondait totalement.
Être un acteur privilégié du parcours d’un adulte en devenir, lui apporter une certaine stabilité et faire le pont avec ses pairs constitue une expérience riche et déterminante dans mes orientations de carrière.

Mes élèves m’ont inspiré des personnages littéraires et plastiques. J’ai décidé d’animer des ateliers pour diversifier les publics.
J’ai communiqué avec les enfants que j’accompagnais par les mots, mais aussi par le dessin, parce que parfois, ils ne trouvent pas les mots pour s’exprimer, ou ils ne peuvent pas parler. Mes œuvres picturales et littéraires sont devenues plus profondes. Elles sont très souvent porteuses de messages primordiaux qui résonnent en moi depuis longtemps et qui se sont renforcés avec mon travail. La tolérance, l’acceptation de la différence, la bienveillance envers des gens plus fragiles que nous, par exemple.

« Mes élèves m’ont inspiré des personnages littéraires et plastiques »

L : Tu nous as cité plusieurs références littéraires, peux-tu nous expliquer qui, dans le domaine du dessin ou de la peinture, t’a influencé ? En visionnant ton site, nous dirions que les univers comics manga en sont presque absents pour laisser place, peut-être (nos connaissances en peinture sont assez légères), à de l’art naïf, entre autres. Est-ce exact ?

J’aime lire des mangas et des comics, je m’inspire parfois de ces univers sans jamais faire exactement comme eux, parce que l’art brut, primitif et naïf me correspond plus en effet (bien vu !). J’ai déjà fait des planches, des dessins de presse, des comic strips, mais une BD de A à Z me prendrait minimum un an. Il faudrait prendre le temps et comme je crée des éléments très variés, je ne trouve pas le temps de me consacrer à un seul projet. Je le fais donc sporadiquement. Je m’essaie à des scénarios de BD ou à quelques pages par-ci par-là.

Pour en revenir au cœur de la question posée, je suis influencé par des artistes parfois aux antipodes les uns des autres. Parmi les maîtres, on trouve Gustave Moreau. Je peux regarder ses tableaux et ses dessins durant des heures. J’ai d’ailleurs visité sa maison-musée, une expérience mirobolante.
J’aime aussi Niki de Saint-Phalle et ses Nanas, Louise Bourgeois, Basquiat, Keith Haring, Kandinsky, Courbet, Man Ray, Henri Cartier-Bresson, le Douanier Rousseau, entre autres. Je suis touché par des artistes de différentes pratiques. Mon art a été défini par une amie comme un art « ethnique onirique ». Quelqu’un m’a dit récemment que j’avais un côté « Basquiat », mais en moins torturé.

 

Mon art a été défini par une amie comme un art « ethnique onirique »

J’ai découvert que je réalisais des dessins proches du doodle art et du zentangle. Je dessine souvent au gré de mon envie du moment, je commence par une forme, j’ai une vague idée et je dérive suivant ce que trace ma main. Je laisse libre cours à mon imagination sans me soucier de l’esthétisme et de la perfection qui sont clairement surfaits. Le doodle pousse à imbriquer des formes les unes dans les autres. Le zentangle détend et permet de créer des mises en abîmes en plaçant des formes dans d’autres formes géométriques.

Je me nourris beaucoup de l’art ethnique, des tribus, des peuples laissés pour compte, de leurs rites, de leurs coutumes, par exemple les tribus de la vallée de l’Omo, les Aborigènes, les Himbas. Je me passionne pour l’art africain, pour les masques, pour les traditions séculaires de la Martinique, le vaudou, les croyances et les superstitions. Je rends hommage à mes racines, je conjugue le métissage et le monde occidental, je m’imprègne d’images de toutes les cultures, je me les approprie et je les recrée à travers des travaux entre le rêve et la réalité, l’exotisme et le quotidien, la simplicité et la complexité. Je trouve intéressant que mon travail reflète une certaine étrangeté et je réclame « le droit à l’horreur ». Je veux dire par là que je ne cherche pas à faire des œuvres belles ou à la mode pour plaire, subjuguer et quelque part travestir mon identité.

Dans mes textes comme dans mes peintures, je me livre corps et âme. Je comprends tout à fait que certains ne soient pas sensibles à mes univers, mais je me refuse à renier mes particularités et mes envies. Je crée pour mon plaisir et si mes travaux émeuvent, j’en suis ravi. Je suis ouvert au dialogue, au partage, à la critique constructive et j’apprends de tout le monde, parce que je respecte chaque parole et chaque individualité.
Je cherche à surprendre, à interpeller et à piéger le spectateur. Les gens voient souvent mes œuvres dans leur globalité, puis, ils rentrent ensuite dedans et s’étonnent de découvrir des éléments qu’ils n’ont pas vus de prime abord.

 

« …le premier moyen d’expression que j’ai choisi pour exprimer mes idées, mes failles et mes souffrances, car j’étais incapable de verbaliser ce que j’avais au fond de moi. »

 

L : Question piège et non sérieuse : que préfères-tu entre l’écriture et la peinture ? Y trouves-tu des ponts autres que ceux qui sont trop flagrants (on pense notamment au côté fantastique qui transparait dans l’un et l’autre).

Comme je l’ai dit, ces deux univers sont intimement liés. Mes créatures littéraires et celles qui se déclinent plastiquement sont évidemment de la même fibre. J’ai une préférence pour le dessin. Il est apparu dans ma vie très tôt, comme le premier moyen d’expression que j’ai choisi pour exprimer mes idées, mes failles et mes souffrances, car j’étais incapable de verbaliser ce que j’avais au fond de moi. Néanmoins, si l’on me demandait de choisir entre l’écriture et la peinture, je ne pourrais pas.
Les ponts entre ces deux « chemins de traverse » (terme que j’emprunte à Catherine Pomparat, une grande dame qui dispensait des cours d’histoire de l’art quand j’étais auditeur libre) qui me guident dans les méandres de l’existence relèvent du lien entre deux parents. Je dirais deux sœurs comme ce sont des mots féminins.
Parfois, je dessine un personnage et j’ai envie d’écrire une histoire sur lui. D’autres fois, j’écris et je me représente les personnages. J’illustre mon texte après avoir développé leur monde sur mon traitement de texte.
Je considère les sons, les phrases, les rimes, les paragraphes comme des médiums au même titre que la peinture acrylique, les feutres, les encres, ou l’aquarelle. Je m’en sers, j’expérimente, je les tords, je les entrechoque tous afin de modeler des œuvres littéraires et picturales qui se répondent et tissent un maillage créatif polysémique.

L : En dehors de ces deux domaines artistiques, que te serais-tu imaginé pouvoir faire d’autre créativement parlant ?

J’aurais adoré être musicien ou chanteur. J’ai joué de la flûte à l’école (la mienne était en bois, alors que celle des autres était en plastique, une expérience tactile unique pour moi). Le piano m’aurait bien tenté.
Quant au chant, je chante faux, mais je chante quand même, parce qu’il faut faire ce qui nous fait envie sans se borner. Par ailleurs, on m’a dit que la voix se travaille (comme un médium ?). Je n’ai pas trouvé le temps de modeler ma voix. Peut-être qu’un jour, je me pencherai sur la question.
J’aime emprunter des voies peu communes pour tracer ma propre route, et j’invite, ceux qui sont prêts à sortir de leur zone de confort, de leur vie millimétrée et des schémas normatifs, à me suivre dans mes univers fantastiques.

 

Vous pourrez découvrir la suite de l’interview dès demain. Vous pouvez retrouver le portrait de présentation de Florent Lucéa ICI et sa nouvelle La Cérémonie (en quatre parties) ICI

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