ANDRÉ BUCHER Un court instant de grâce

Qui n’aime pas quand, lors de la coupe de France de football, le petit Poucet gagne contre l’ogre de 1ére division ? Qui n’aime pas quand l’opprimé se révolte et renverse un état ? Nous avons tous une certaines propension à défendre la veuve et l’orphelin, mais dans la réalité, les événements et leur conclusion ne donnent pas toujours gain de cause au plus faible des deux. Dans Un court instant de Grâce d’ André Bucher (aux Éditions Le mot et le reste), nous suivons le combat d’un petit village contre l’implantation d’une centrale à biomasse.

Émilie vit seule dans sa ferme, sur les contreforts de la montagne de Palle. Elle y est seule depuis la mort de son mari et voit d’un mauvais œil l’ONF implanter une centrale à biomasse à proximité. Cette usine incinère le bois des forêts pour produire de l’énergie, sans se soucier du fait qu’elle détruise l’écosystème. Entre écologistes fervents et industriels convaincus, la guerre est déclarée. Pourtant Émilie, elle, ne veut simplement pas que sa terre soit détruite en vertu du profit et d’une écologie bafouée.

Bon, ne vous attendez pas à un combat de zadistes contre les forces de l’ordre ou autres incidents guerriers, mais plus à un roman d’amour, de celui qu’un homme ou une femme, en l’occurrence, éprouve pour sa terre, le lieu où il a vécu toute sa vie, qu’il a apprise à dompter et à respecter.

Ce roman est très particulier dans sa forme car il est très poétique, possède une rythme lent, comme implanté dans la terre où vit l’héroïne, une terre qui vit au rythme des saisons, et haletant quant à la finalité de cette implantation subie (et de l’histoire d’amour entre Émilie et son amour de jeunesse retrouvé également).

Nous sentons sous la plume d’André Bucher une énorme tendresse pour ces lieux, loin de tout, où les gens vivent de peu de choses. En usant de ce ton poétique, il tisse une ode à la nature, à sa beauté, à ce qu’elle donne à l’homme et qu’il semble bien aveugle à voir ou à accepter. Il décrit aussi les relations entre les hommes, cupides ou bien totalement désintéressé, visant leurs intérêts personnels ou le bien de la communauté. Tout y est décrit avec finesse, sans pathos, avec une acuité moqueuse ou empathique. L’humour y est subtilement disséminé, apportant un léger relâchement dans tout le sérieux que vivent les différents protagonistes du roman.

Mais il vous faut absolument vous donner un exemple du ton utilisé par André Bucher pour que vous compreniez quelle est la poésie qui émane de ces presque 200 pages, car ainsi il vous sera plus facile de comprendre le style de cet auteur délicat :

« Un rire de neige masquait le chagrin hivernal des chênes toujours en délicatesse d’un futur feuillage.

Elle pensait à un drap couleur crème, tombé du ciel en plein sommeil. Qui donc rendre responsable de ce prodige ? Tout ce blanc lui filait le tournis. Un coloris délicat qui étouffait les taches d’encre de la mélancolie ? »

Au final, nous obtenons un roman romantique, bien campé sur une réalité concrète mais totalement originale dans son approche du sujet. Nous en ressortons comme d’un rêve, légèrement euphorique, abreuvé par ses descriptions flamboyantes et son charme léger comme une bulle de champagne.

Un court instant de grâce est un livre à conseiller aux amoureux de la vie, tout simplement.

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