Avec Duress, Froth signe un album shoegaze expérimental abouti

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Les Américains ont parfois la classe. Pas toujours, mais dans le cas de Froth, nous pouvons même affirmer qu’ils l’ont, avec le mot « grande » en préfixe. Pourquoi ? Parce que Duress, leur quatrième album (mais comment ont-ils pu passer entre les mailles de notre filet?), nous procure un frisson indicible d’extase avec son rock psychédélique aventureux et ses sonorités lo-fi assumées.

Des guitares, des claviers et des mélodies accrocheuses.

Froth, c’est un trio composé de Joo-Joo Ashworth (guitare voix), Jeremy Katz (guitare, basse) et Cameron Allen (batterie). Ils viennent de la côte ouest des States, de cet endroit que l’on nomme la cité des anges. Pourtant, leur univers sonore est loin des paillettes et du gotha hollywoodien, et s’approche plus, en vérité, de celui de la zone périurbaine et de sa (légère) crasse.

Un poil rugueux, enfin juste ce qu’il faut pour satisfaire et appâter notre curiosité voltigeant d’un groupe à l’autre, Froth nous embarque pourtant sur une fausse piste avec son premier single (dont nous avions parlé ICI). Fausse piste car nous nous attendons à un disque psyché shoegaze de bonne facture, certes, mais aux aspérités, préjugé, déjà entendues (même si très bien exécutées). Mais très vite, notre avis se transforme avec l’apparition de rengaines répétitives expérimentales qui nous fait basculer dans une autre dimension.

Les voix s’espacent, la musique prend les devants.

En effet, les bases mélodiques, tant vocale qu’instrumentales se font plus évidentes, plus insidieuses également. Répétitive, la musique se fraye un chemin au plus profond de nous, surtout lorsqu’elle est appuyée par des voix douces comme le diable, saupoudrées d’une sorte de mélancolie nostalgique. L’effet est terrible, sur un titre comme Department Head notamment. La guitare, d’une simplicité déconcertante joue le contraste avec les bidouilles en arrière-plan, motifs complexes de stridences douces et de programmations de claviers aventureuses. La production aide à lier l’ensemble, formant ainsi un disque homogène et aéré. Dès que les titres se la jouent plus étirés, la sauce prend magnifiquement.

Le son nage dans un brouillard opaque duquel surgit une lumière diffuse, rassurante par moments, obsédante toujours, légèrement flippante parfois. Les traitements du son nous plongent certaines fois dans un profond désarroi, parce que nous ne sommes plus habitués à ce qu’un groupe expérimente de la sorte. Pourtant, l’ensemble reste accessible, parce que le Froth arrive à faire ressortir de son magma une forme simplifiée de son propos.

Universel.

Celui-ci s’avère universel. Nous imaginons facilement que le trio nous parle de ses peurs profondes, de ses petites joies, de ses souvenirs, de ceux que l’on range précieusement dans une petite boite fermée à clefs ou dans un journal intime. L’expérimentation du groupe ne sert qu’à masquer un peu de sa sensibilité, même si nous l’avouons, elle ressort à plein régime dès que nous sommes familiarisés avec l’univers de Duress et ses plages instrumentales captivantes.

Et c’est là que l’album prend toute sa dimension. Ses sonorités de soie nous enveloppent ; ses expérimentations adroites font ressortir le côté maladroit que nous avons tous en nous lorsque nous devons exprimer des sentiments forts qui, parfois, ou souvent, nous terrifient. Bien que cadrées, les compositions sont doucement épiques, font ressortir le tanin des compositions comme les images sépia de nos enfances dans notre esprit.

La beauté lunaire de Duress se savoure après un léger temps d’adaptation, fait ressurgir l’esprit shoegaze des nineties sous couvert de psychédélisme seventies, touche aux zones sensibles de nos psychés, nous rappelle à la vie, à ses beautés, à ses petits drames du quotidien, sans être jamais grave, sans être jamais triste, sans nous plomber, mais au contraire en éveillant en nous cette sensation d’être vivant.

Il faut en profiter, c’est ce que semble dire Froth (sans être prophète en quoi que se soit) avec ce Duress abouti. Alors profitons, avec eux, de ce que nous réserve le présent.

Site officiel Froth

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