[CHRONIQUE] THOMAS BRAMERIE TRIO Side stories

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Premier album solo du contrebassiste Thomas Bramerie, Side Stories (disponible chez Jazz Eleven)

Ne vous fiez pas au fait qu’il ne s’agisse que de son premier album sous son nom propre. Thomas Bramerie n’en est pas à son coup d’essai car c’est fort d’une expérience longue comme le bras auprès de grands noms de la scène jazz qu’il a fait ses armes. En effet, le contrebassiste a enregistré une centaine d’albums en tant que sideman et c’est « naturellement » que le voici aux commandes de son propre album, Side Stories (Jazz Eleven). Ce LP, il nous l’offre sous la forme d’un trio dans lequel il est accompagné par Elie Martin-Charrière (batterie) et Carl-Henri Morriset (piano). À ses deux acolytes s’ajoutent trois guests de valeur, à savoir Stéphane Belmondo (trompette, bugle), Jacky Terrasson (piano) et Éric Légnini (Fender Rhodes). Bref, que du beau monde.

Un bel objet

Beau, également, l’objet Side Stories : le boîtier du cd est du plus bel effet, cartonné noir et blanc, simple, sobre, sans manières pourrions-nous dire, il ne fait pas de chichi, impose son visuel sans chercher à le faire. À l’intérieur, un livret tête-bêche, d’un côté en Français, de l’autre, à l’envers, en Anglais, dans lequel s sept textes écrits par Thomas Bramerie entre novembre 2016 et avril 2017, sont lisibles. Il convient de les lire car ils sont le reflet du boîtier, sobres, sans esbroufe. Bramerie y livre des petites confidences/vérités, entre regard poétique et esprit lucide, ce qui nous permet de nous faire une idée de l’homme qui se trouve derrière le musicien, à savoir quelqu’un de touchant, d’humain, de généreux.

De la générosité, nous en retrouvons également plein sur le disque. Après la courte introduction à la seule contrebasse (l’outro Avec Le temps de Léo Ferré sera le seul autre morceau solo à la contrebasse de l’album), nous entrons de plain-pied dans l’univers du trio. Le son est chaud, vivant. Peut-être est-ce un peu idiot à dire, mais nous ressentons le frottement des doigts sur les instruments, des baguettes sur les peaux, les souffles des instrumentistes (presque). Nous avons l’impression d’assister à une répétition en studio, d’être des spectateurs privilégiés de cet échange musical. L’énergie dégagée dès le premier titre à trois, de Thelonious Monk (un des quatre titres non écrit par Thomas Bramerie), est palpable, elle nous embarque dès que nous tendons l’oreille. Certains disques s’écoutent de loin, Side Stories demande que nous nous posions pour pouvoir le savourer pleinement.

Savoir-faire jazz et émotions en pagaille

Nous sommes ici en présence d’un jazz d’apparence plutôt classique. Les instruments sont acoustiques, hormis le Fender Rhodes d’Éric Légnini sur les titres Here et All Alone, sont parfaitement mixés (et donc se détachent bien les uns des autres). Nous sentons quelques pointes funky, une ou deux légères envolées free, mais l’ensemble reste accessible pour tous, sans pour autant lorgner vers la simplicité. Les thèmes sont tous marqués d’une véritable patte moderne qui se retrouve dans l’écriture de Bramerie. Dynamique, parfois nerveuse, elle joue les contrastes en se posant et en se montrant charmeuse à d’autres moments. Des vagues d’émotions nous submergent dès lors : une envie de danser, une envie de rêver, une envie de pleurer. Ce disque, vous l’aurez vite compris, est loin de laisser de marbre.

Avec cet album, Thomas Bramerie nous dévoile sa personnalité sans aucun artifice. Si le savoir-faire technique est évidemment de mise, il est loin de nous écraser (ce qui est parfois le cas de certains techniciens). Sincère, passionnée, teintée de mille couleurs (dont la fameuse note bleue), la musique de Bramerie nous entraîne hors du temps, ouvre une parenthèse dans la course folle de nos vies qui ne se referme que lorsque la dernière note de contrebasse, sur un léger rire, s’échappe.

Side Stories est un disque qui se savoure, comme un bon vin.

Photo : ©Pascal Pittorino 8small

Site officiel Thomas Bramerie

Autre album paru chez Jazz Eleven, Sarah Lancman

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